On n'ira pas jusqu'à dire que la Pologne est l'autre patrie du reggae mais il faut bien avouer que dès le début des années 80, on comptait pas mal d'excellents groupes formant une scène courageuse qui était en fait bien souvent l'autre face de la scène punk / hardcore ; après tout, tant qu'à se rendre coupable de "hooliganisme" et de "comportement asocial", autant assurer au score !
Et quand, un général à lunettes noires, un état de guerre et une table ronde plus tard, il fallut se rendre à cette évidence que la voie était bien trop étroite pour ne pas étouffer entre les descendants avides des dinosaures brejneviens et les culs-bénits triomphants (*), entre Trybuna Ludu (le Peuple étant malencontreusement tombé de la Tribune, il est resté Trybuna, toujours parfait pour nettoyer les vitres, puis vers 2007 (?), il ne resta plus rien) et Radio Marija (absolument inutile, n'emballe même pas le poisson, malheureusement toujours aussi toxique et omniprésent), ces musiques continuèrent de jouer leur rôle pivot dans ce sentiment de désappartenance qu'une partie de la génération née après 1960 (à la louche) nourrit vis-à-vis de la société polonaise. Voir aussi ici.
Izrael (un peu l'autre face de Armia), Brygada Kryzys, Daab, Gedeon Jerubbaal entre autres ... sans oublier, dans un autre registre, l'ovni absolu, Twinkle brothers (les jamaïcains Norman et Ralston Grant) jammant avec Trebunie-Tutki (musique traditionnelle "montagnarde" des Tatras, du côté de Zakopane) !
Pour cette petite scène, cet album de IJahman fut donc un "classique instantané". Même en Pologne. Même en 1979.
IJahman en 2003.
(*) 12/05/2010
Comme on me fait remarquer acerbement qu'il est "un peu gros" de traiter des acteurs de l'envergure de Jacek Kuroń, Bronisław Geremek ou Tadeusz Mazowiecki de dinosaures brejnéviens ou de culs-bénits, précisons qu'en effet, il n'est évidemment pas ici question d'eux ; au contraire, ils sont plutôt emblématiques de cette voie étroite qui disparut si vite, étouffée entre deux haies fournies d'anciens enfants de choeur (aube blanche ou foulard rouge, peu importe ici !).
Je faisais plutôt allusion à l'étroitesse qu'on pouvait ressentir "dans la vie de tous les jours" entre ces deux factions envahissantes de vulgaires béni-oui-oui.