dimanche 31 janvier 2016

Villeglé au Musée des Beaux Arts de Morlaix (29)

Retour à Morlaix pour Jacques Villeglé.



 
On croit tout connaître de son travail ; cette exposition nous rappelle néanmoins l'essentiel, l'aseptisation croissante (pour ne pas dire aujourd'hui parfaite) de la Ville en fait un témoignage d'un  temps révolu où les murs avaient la parole.

Les campagnes électorales de mon enfance, Georges Gorse (UDR) contre Emile Clet (PCF), cela date !, faisaient fleurir les murs de Boulogne (déjà alors si peu Billancourt), lui donnait un peu de cette vie, de cette animation qui lui faisaient déjà cruellement défaut. Des mois après l'élection, les lambeaux d'affiches continuaient leurs débats criards (bleu et blanc contre rouge et jaune) dans le vent, témoignant que quelque chose avait eu lieu.



 
Aujourd'hui, confinés à quelques rares panneaux, les témoins disparaissent dès le lendemain de l'élection, comme s'il fallait les escamoter au plus vite, un peu honteusement, comme une survivance archaïque, un accroc dans le tranquille contrôle technocratique. Les murs restent propres ; de quoi peut-on se plaindre ? La Ville, ce n'est qu'un espace de circulation, n'est-ce pas ?




Jolanta Telenga Clérot expose à l'Imagerie (Lannion, 22)





De quoi rêve une chose ? De quel temps ralenti sa forme témoigne-t-elle ? Témoignage ténu, murmure têtu masqué toujours par le tintamarre clinquant de l'objet qui voile la chose et la dérobe à nos regards.


Paradoxe d'une photographie qui se rapproche au plus près des écailles, des éraflures, des interstices pour écarter l’objet de son objectif, pour libérer la chose de son objet-camisole et la rendre à sa vie ralentie, à son lent épanouissement.

Cadrer ainsi c'est laisser monter des textures le chaos des images, intensifier ce chaos qui n'attend plus que du regard la brisure de symétrie qui fait émerger l'interprétation, propre à chacun.


De quoi rêve une chose ? D'une vie immobile ... Still Life ... Nature morte ...


jeudi 21 janvier 2016

Arnaud Gautron expose au Roudour (St Martin des champs, 29)


Ciel et terre sont suspendus
dans le vide

Le soleil se braque
sur l'irréalité du monde
dans un présent éternel

Anise Koltz
Somnambule du jour
Poésie Gallimard, 2016



Cet été, dans la pénombre de l'Atelier Blanc, les toiles d'Arnaud Gautron développaient une activité centrifuge, tirant profit du clair-obscur qui brouillait leurs limites pour envahir, contaminer leur alentour et lui communiquer un sentiment d'inquiétude. L'articulation haut-bas qui structure la plupart des toiles prenait la figure d'une ligne de front déchirée par les rares éclairs de pyrotechnies verticales. La ligne centrale semblait le lieu d'une fracture d'où rayonnaient des dislocations qui partaient s'ancrer dans l'obscurité des murs.

L'impression s'inverse dans la lumière plus clinique du Roudour : fermement reconduites à leurs limites par la blancheur du support, les toiles prennent une dynamique différente, centripète, se recentrent et jouent la suture plus que le déchirement ; ce qui était faille, ligne de front se mue en horizon, en ligne de crête, se brouille et tend même à disparaître laissant sur la toile la promesse apaisée d'une prochaine apparition.