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Lustra. Officially, the cold comes from Manitoba ; yesterday at sixty knots. So that the waves mounted the breakwater. The first snow. The farmers and carpenters in the tavern with red, windburned faces. I am in there playing the pinball machine watching all those delicious lights flutter, the bells ring. I am halfway through a bottle of vodka and happy to hear Manitoba howling outside. Home for dinner I ask my baby daughter if she loves me but she is too young to talk. She cares most about eating as I care most about drinking. Our wants are simple as they say. Still when I wake from my nap the universe is dissolved in grief again. The baby is sleeping and I have no one to talk my language. My breath is shallow and my temples pound. Last October in Moscow I taught a group of East-Germans to sing "Fuck Nixon", and we were quite happy until the bar closed. At the newsstand I saw a picture of Bella Akhmadulina and wept. Vodka. You would have liked her verses. The doorman drew near, alarmed. Outside the KGB floated through the snow like arctic bats. Maybe I belong there. They won't let me print my verses. On the night train to Leningrad I will confess everything to someone. All my books are remaindered and out of print. My face in the mirror asks me who I am and says I don't know. But stop this whining. I am alive and a hundred thousand of acres of birches around my house wave in the wind. They are women standing on their heads. Their leaves on the ground are small saucers of snow from which I drink with endless thirst.
Des lustres. officiellement le froid vient du Manitoba ; hier à soixante nœuds. Au point que les vagues montaient sur la digue. Première neige. Fermiers et charpentiers à la taverne, le visage rouge, marqué par le vent. Ici, je joue au flipper en regardant clignoter toutes ces lumières délicieuses, sonner les champignons. J'ai descendu la moitié d'une bouteille de vodka, heureux d'entendre le Manitoba hurler dehors. A la maison pour dîner, je demande à ma petite fille si elle m'aime mais elle est trop jeune pour parler. Elle se soucie de ce qu'elle mange et moi de ce que je bois. Nos besoins sont simples, comme on dit. Pourtant, à mon réveil après la sieste, la souffrance dissout de nouveau l'univers. J'ai le souffle court, les tempes palpitantes. Vodka. En octobre dernier à Moscou j'ai appris à un groupe d'Allemands de l'Est à chanter "A mort Nixon", nous avons tous passé un bon moment jusqu'à la fermeture du bar. Au kiosque à journaux j'ai pleuré devant une photo de Bella Akhmadulina. Vodka. Ses vers t'auraient plu. Le portier s'est approché, inquiet. Dehors, le KGB flottait dans la neige comme des chauves-souris arctiques. Peut-être que ma place est là-bas. Ils ne me laisseront pas publier mes vers. Dans le train de nuit de Léningrad j'avouerai tout à quelqu'un. Tous mes livres sont soldés ou épuisés. Mon visage dans la glace me demande qui je suis et répond je ne sais pas. Cesse donc de pleurnicher. Je suis vivant et cent mille arpents de bouleaux oscillent dans le vent autour de ma maison. Ce sont des femmes qui font le poirier. Aujourd'hui leurs feuilles par terre sont de menues soucoupes de neige où je bois avec une soif inextinguible.
in Jim Harrison, Lettres à Essenine, bilingue, traduit par Brice Matthieussent, Titre 198, Christian Bourgois
Peut-être Harrison pensait-il à ce poème-ci ?
Новогодний романс
Какое блаженство, что блещут снега,
что холод окреп, а с утра моросило,
что дико и нежно сверкает фольга
на каждом углу и в окне магазина.
Пока серпантин, мишура, канитель
восходят над скукою прочих имуществ,
томительность предновогодних недель
терпеть и сносить - что за дивная участь!
Какая удача, что тени легли
вкруг елок и елей, цветущих повсюду,
и вечнозеленая новость любви
душе внушена и прибавлена к чуду.
Откуда нагрянули нежность и ель,
где прежде таились и как сговорились!
Как дети, что ждут у заветных дверей,
я ждать позабыла, а двери открылись.
Какое блаженство, что надо решать,
где краше затеплится шарик стеклянный,
и только любить, только ель наряжать
и созерцать этот мир несказанный...
(vous pouvez l'entendre ici)