jeudi 23 avril 2015

Processional -- Joanna Klink


Antelope canyon





If there is a world, let me be in it.
Let fires arise and pass. The sky fill with evening air
then sink across the woodlots and porches,
the streams thinning to creeks.
In winter there will be creatures half-locked in ice,
storms blow through iron gates, a drug of whitest ardor.
Let the old hopes be made new.
Let stacks of clouds blacken if they have to
but never let the people of this town go hungry.
Never let them fear cold. If there is a world,
let it not be temporary, like these vague stars.
Let us die when we must. And spinelessness
not overtake us, and privation,
let rain bead across tangled lavender plants.
If there is a world where we feel very little,
let it not be our world. Let worth be worth
and energy action - let blood fly up to the surface skin.
If you are fierce, if you are cynical, halfhearted, pained -
I would sit with you awhile, or walk next to you,
and when we take leave of each other after so many years,
the oaks will toss the branches in wheels of wind
above us - as if it had mattered, all of it,
every second. If there is a world.



in Joanna Klink, EXCERPTS from a SECRET PROPHECY, Penguin Poets, 2015



Processional est le dernier poème du nouveau recueil de Joanna Klink, station finale d'un chemin menant des décombres, le recueil s'ouvre sur  I brought what I knew about the world to my daily life / and it failed me , à la possibilité d'un monde :  Let the old hopes be made new  dépasse le rejet initial du volontarisme d'un Eliot,  neither do I trust / that to make an end is to make a beginning  (référence à Little Gidding, opportunément indiquée dans les notes du recueil), sans s'y soumettre ; quelque chose de nouveau apparaît chez Joanna Klink dans ce recueil, un troisième terme entre soi et le monde, ou plus précisément entre toi/moi et le monde : les autres, tous les autres, forment le troisième terme qui permet d'au moins supposer un monde, de s'y bâtir une place, ainsi que l'annonce la citation de The Waves mise en exergue,  Now let us issue from the darkness of solitude , et ce faisant de le faire exister.
Peu d'auteurs ont la capacité de faire advenir ce qu'elle décrit dans les derniers vers ci-dessus ; cela ne fait certes pas tant d'années que je chemine avec ses livres mais, les chênes m'en soient témoin !, chaque instant, chaque ligne en valaient la peine, car il y a bien un monde, celui que, livre après livre, Joanna Klink dévoile.

 

C'est un peu curieux de choisir une photo du célèbre Antelope Canyon, Arizona, pour accompagner (non, pas pour illustrer !) le poème d'un auteur aussi lié que Joanna Klink aux atmosphères bien différentes du Montana. C'est pourtant ce type d'image qui s'impose à moi pour évoquer sa poésie : la faille, l'évidement, l'abrasion, la montée inéluctable du "flash flood" et la patiente action du vent.