On la trouve intensément répétée, partagée, recopiée, comme pour donner une assise aux appels à la vengeance qui l'environnent toujours ; autant donner l'origine de cette citation : un poème de Hayim Nahman Bialik (1873 - 1934), à propos du premier (du moins le premier à émouvoir l'opinion occidentale ... un des premiers aussi à émouvoir l'intelligentsia russe) pogrome de Kichinev (1903 ; voir aussi ici ; Kichinev en Bessarabie, c'est aujourd'hui Chișinău en Moldavie).
Cosmique et universel (qui, à moins de vouloir faire offense à la mémoire de Bialik, prétendrait le contraire ?), le poème se fait lui seul justice de toute tentative de récupération :
Cieux, implorez grâce pour moi !
S’il y a en vous un Dieu,
Et un chemin qui conduit à lui, Un chemin que je n’ai pas trouvé
Alors, priez vous pour moi !
Mon cœur est mort;
Plus de prière sur mes lèvres,
Plus de force dans les bras, plus d’espoir !
Jusqu’à quand ? Jusqu’où, Jusqu’à quand ?
Holà ! Bourreau, voici ma gorge, viens et tue !
Abats-moi comme un chien ! Toi, tu as un bras et un couteau
Et, moi, j’ai l’univers pour échafaud.
Frappe à la tête ! Que le sang du meurtre,
Le sang de l’enfant et du vieillard,
Gicle sur ta chemise
Et que jamais il ne s’efface !
S’il y a une justice, qu’elle paraisse aussitôt !
Mais si elle tarde, si elle n’éclate qu’après ma mort,
Après que, moi, j’aurai été détruit,
Je veux que son trône s’écroule
Et que les cieux périssent dans le mal éternel !
Quant à vous, scélérats, sustentez-vous de sang,
Allez et vivez de vos ignominies !
Maudit soit celui qui dira : vengeance !
Une telle vengeance, la vengeance du sang d’un enfant,
Satan ne l’a point encore inventée…
Que le sang se creuse un chemin sous terre,
Qu’il sape et ronge et mine dans les ténèbres
Les fondements délabrés de l’univers !
(in Hayim Nachman Bialik, Poèmes, traduit par Joseph Milbauer, Organisation Sioniste Mondiale, Jérusalem, 1958 ; repris dans Anthologie de la poésie en hébreu moderne, Gallimard, 2001)
Une traduction anglaise, une lecture en hébreu et des commentaires sur les références bibliques dans ce poème, ici.