dimanche 20 juin 2010

Etude de rythme à six temps forts -- Jean Tardieu


(A la récitation, les temps forts doivent être marqués avec une régularité et une insistance d'abruti.
La ligne de points représente des sons impossible à noter. C'est-à-dire les paroles du deuxième vers récité "bouche fermée", afin d'indiquer seulement le rythme dominant, soit : une syllabe accentuée précédée de deux syllabes atones ou, plus rarement, d'une seule. Exemple : han han h'an... han h'an = je rac'onte... d'où ri'en.
Le premier vers doit être dit de façon à remplacer par des silences de durée équivalente, ou par un murmure indistinct, la première syllabe atone de chaque mesure : je, un, é..., qui, pour cette raison, est placée entre parenthèses.
On peut, si l'on veut, réciter tout ce poème bouche fermée, ou même, à condition de respecter la cadence, renoncer complètement aux sons vocaux et les remplacer par toutes sortes de bruits : mains frappées l'une contre l'autre, coups de talon sur le sol, tambour, tambourin, etc.
L'effet est ravissant, surtout si l'on est nombreux à pratiquer cet exercice.)


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(Je) raconte (un) pays (je) raconte (un) pays (é)tranger (je) raconte
je raconte un pays je raconte un pays étranger je raconte
je raconte un pays étranger d'où rien n'est jamais revenu
je raconte un pays d'où le vent de la mer n'est jamais revenu
ni les fleuves grondant de plaisir vers les gouffres ni l'air ni les flammes
ni les mots en secret près des murs dans la main des amants échangés
ni l'orage des jeux de la mort ni l'ample clameur de la haine
ni le cri ni le chant ni l'éclair du soleil sur les vitres des villes
ni les pas ni les coups ni le bruit des volets dans les calmes villages
ni le signe aperçu ni le tendre regard ni la voix sans parole
ni le sang ni le lait ni la neige...
----------------------------------------------Un pays étranger d'où rien
n'est jamais revenu.
-----------------------------C'est là cependant que je vis chaque jour
c'est là cependant que nous tous nous vivons chaque jour et chaque heure ;
ici-bas un pays étranger d'où rien n'est jamais revenu.






Cela ne résiste sans doute pas longtemps à une analyse en bonne et due forme mais Jean Tardieu me fait toujours penser à Henri Michaux, à un "Michaux de synthèse" chez qui les proportions de sens de l'humour et de sens du tragique auraient été (très) légèrement modifiées.