Des graminées
Comme pour tout un jour.
*
Comme si le jour
N'était pas là
Pour la tuerie.
*
Comme s'il y avait
De quoi guérir du vent
A travers les nuages.
*
De quoi guérir de l'eau
Qui se glisse au ruisseau,
Qui paraît se complaire
A couler vers plus bas,
En se laissant ravir
Même ses dimensions.
*
Des graminées
Offertes sans montée
Au calvaire,
Sans vengeance.
*
Des graminées tremblant
A peine.
Comme si ce n'était
Que de savoir la fin
Et de ne pas vouloir
Y consacrer leur temps.
*
Comme pour tout un jour
Qui n'en finirait pas,
Des graminées debout
Traversant les couteaux
Aiguisés par un air
Toujours prêt au travail.
(Etier suivi de Autres, Poésie/Gallimard)
Guillevic, Follain, Ponge ; un trio souvent réuni sous la bannière de l' "objectivité" ... Question de génération sans doute, de positionnement assumé à l'extérieur d'un courant surréaliste devenu dominant après-guerre, au prix de l'abandon d'une bonne partie de sa force subversive.
Le trio est bien disparate pourtant : finalement, Ponge ne se distingue pas tant que cela des surréalistes, ambitionnant d'inventer un nouveau langage poétique via le "parti pris des choses". Rien de tel chez Follain ou Guillevic, me semble-t-il, qu'on peut effectivement réunir au-delà de la question de l'image qui les sépare, ne serait-ce que par l'écho qu'on entend chez eux de la voix de Reverdy :
La tête du monde
Encore un peu de jour au bord des toits et aux pointes des arbres. Le lac tombé d'en-haut s'aplatit sur le sol. Dans le brouillard, où marche une ombre, c'est la tête. L'étoile du milieu qui brille par moments. Les épaules nouées avec des nattes blondes. La montagne. Et le tour du monde prisonnier. L'air est en feu. La bouche souffle encore. Et la plainte du sol sous le bâton brutal. Devant le voile qui se lève l'aube renaît à l'autre coin.
(in La balle au bond, 1928)
ou bien
Pour mourir
Un sou trop neuf qui roule dans l'ornière ou le soleil couchant. Maintenant, le ruisseau borde la route longue et la clarté secrète sursaute au carrefour en croix.
Les arbres étendent l'ombre. On n'entend que leur voix. Le feu s'éteint. Trop loin pour qu'on s'arrête. Il ne passera plus personne. La campagne est muette. Les pierres sèches. Un mur détruit. Le silence reprend. Un oiseau s'enfonce dans l'herbe pour mourir.
(in La balle au bond, 1928)
ou encore
Mais rien
Un même pan ferme le coin
Où l'air libre s'étend
Autour la corde glisse
Et l'eau monte
La pluie descend
Un homme tombe de fatigue
C'est le même qui tend sa main
On saute le mur du jardin
Le ciel est plus bas
Le jour baisse
La route court
Et le vent cesse
On pourrait croire qu'il est arrivé quelque chose
Mais rien
(in Pierres blanches, 1930)
Comme pour tout un jour.
*
Comme si le jour
N'était pas là
Pour la tuerie.
*
Comme s'il y avait
De quoi guérir du vent
A travers les nuages.
*
De quoi guérir de l'eau
Qui se glisse au ruisseau,
Qui paraît se complaire
A couler vers plus bas,
En se laissant ravir
Même ses dimensions.
*
Des graminées
Offertes sans montée
Au calvaire,
Sans vengeance.
*
Des graminées tremblant
A peine.
Comme si ce n'était
Que de savoir la fin
Et de ne pas vouloir
Y consacrer leur temps.
*
Comme pour tout un jour
Qui n'en finirait pas,
Des graminées debout
Traversant les couteaux
Aiguisés par un air
Toujours prêt au travail.
(Etier suivi de Autres, Poésie/Gallimard)
Guillevic, Follain, Ponge ; un trio souvent réuni sous la bannière de l' "objectivité" ... Question de génération sans doute, de positionnement assumé à l'extérieur d'un courant surréaliste devenu dominant après-guerre, au prix de l'abandon d'une bonne partie de sa force subversive.
Le trio est bien disparate pourtant : finalement, Ponge ne se distingue pas tant que cela des surréalistes, ambitionnant d'inventer un nouveau langage poétique via le "parti pris des choses". Rien de tel chez Follain ou Guillevic, me semble-t-il, qu'on peut effectivement réunir au-delà de la question de l'image qui les sépare, ne serait-ce que par l'écho qu'on entend chez eux de la voix de Reverdy :
La tête du monde
Encore un peu de jour au bord des toits et aux pointes des arbres. Le lac tombé d'en-haut s'aplatit sur le sol. Dans le brouillard, où marche une ombre, c'est la tête. L'étoile du milieu qui brille par moments. Les épaules nouées avec des nattes blondes. La montagne. Et le tour du monde prisonnier. L'air est en feu. La bouche souffle encore. Et la plainte du sol sous le bâton brutal. Devant le voile qui se lève l'aube renaît à l'autre coin.
(in La balle au bond, 1928)
ou bien
Pour mourir
Un sou trop neuf qui roule dans l'ornière ou le soleil couchant. Maintenant, le ruisseau borde la route longue et la clarté secrète sursaute au carrefour en croix.
Les arbres étendent l'ombre. On n'entend que leur voix. Le feu s'éteint. Trop loin pour qu'on s'arrête. Il ne passera plus personne. La campagne est muette. Les pierres sèches. Un mur détruit. Le silence reprend. Un oiseau s'enfonce dans l'herbe pour mourir.
(in La balle au bond, 1928)
ou encore
Mais rien
Un même pan ferme le coin
Où l'air libre s'étend
Autour la corde glisse
Et l'eau monte
La pluie descend
Un homme tombe de fatigue
C'est le même qui tend sa main
On saute le mur du jardin
Le ciel est plus bas
Le jour baisse
La route court
Et le vent cesse
On pourrait croire qu'il est arrivé quelque chose
Mais rien
(in Pierres blanches, 1930)