samedi 19 juin 2010

Retouche à l'apaisement -- Daniel Boulanger


La femme des sables
film de Hiroshi Teshigahara (1964)
d'après le roman de Abé Kôbô (1962)





entrouverte et qui fane
dans son vase de Bohème
la tendresse à la fine tige
laisse une ombre orpheline
ainsi qu'en naît aux lèvres
à la mort d'un baiser

le temps au bas du jour trace une longue ligne


(in Retouches, Poésie/Gallimard, 1988)






Très tôt je m'aperçus que les lettres d'amour que j'envoyais se ressemblaient toutes : demande, attente, merci, nouvel appel, et que les réponses que l'on y faisait avaient le même tour. J'abrégeais donc, je contournai les évidences et ne parlai plus que du décor qui m'entourait, de l'image ou de l'idée qui me tourmentait autant que mon corps, mais je trouvai mes descriptions trop longues et mes cachettes bien théâtrales. Comme j'avais le temps je me suis mis à les réduire et dénuder, à regarder de biais ou par-dessous les villes, les êtres, mes sentiments, tout ce qui me tombait sous la main, à les concentrer en poèmes, c'est-à-dire en chambres fortes, à faire en sorte que le destinataire de ces mots eût à les forcer, à les prendre et reprendre. Je les appelai retouches.