Voila qui semble avoir été écrit aujourd'hui même mais cela vient de plus loin, de Léon Bloy dans son éphémère publication hebdomadaire, Le Pal (5 numéros en mars et avril 1885) ; l'actualité nous suggèrerait bien de changer le dédicataire de cette délicate envolée destinée à Jules Ferry :
Puis, à quoi bon s'exterminer l'intellect à découvrir une ignominieuse torture en harmonie avec la putridité spirituelle de cet immonde porcher préposé à la fécale nourriture des Arène et des Monteil ? (*)
L'impuissance humaine à punir éclate.
Les plus dégoûtantes matières seraient souillées par le pestilentiel contact de cette ambulante ordure ; (+)
Car cet homme ferait tourner par l'urinaire odeur de ses larmes, plus fétides que l'impureté sexuelle de la Prostituée du prophète, les fertilisantes mayonnaises de Pantin et de Bondy.
(in Le Pal, fac-similé des numéros 1 à 4 publié par les éditions Obsidiane ; réédité (2002 ?) avec une préface de Patrick Kéchichian et le cinquième numéro)
A Saint-Petersbourg, le groupe Voïna a joint le geste à la parole en réalisant cette "installation" en face des locaux du FSB :
Certes, les ponts-levis sont rares Faubourg Saint-Honoré ou Place Beauvau mais, avec un peu d'imagination, il devrait quand même être possible de suivre cet exemple afin d'exprimer tout le respect qu'inspirent les derniers dérapages en date.
En réponse à ceux qui me font remarquer (parfois rudement) que le moyen n'est pas à la mesure de l'enjeu, je rappellerai seulement que tout ceci doit être replacé dans le registre de l'agitation spectaculaire, que les "mesures-phares" sont de toute façon non constitutionnelles et qu'il convient de les traiter pour ce qu'elles sont : de la poudre aux yeux pour détourner l'attention. Rien de mieux que les clowns pour ramener l'attention vers le centre de la piste ; c'est ce que Tchoknity a bien compris : son seau bleu aura plus fait pour déconsidérer les oligarques russes que tous les discours surjouant la préoccupation qu'on va entendre en boucle dans les jours qui viennent.
(*) Intermède pédant : Paul Arène, Edgar Monteil ?
On n'en finirait pas d'énumérer les détestations de Léon Bloy ; mieux vaut se reporter directement, entre autres (Belluaires et porchers vaut aussi le détour) au Désespéré !
(... suivent des vertes, des pas mûres et même un court passage typique de l'antisémitisme de Bloy que je n'aurai de toute façon pas cité ; l'écriture-massacre de Léon Bloy est un plaisir de lecture jubilatoire mais cela n'empêche pas de s'en approcher avec une assez longue cuillère ...
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l'antisémitisme très paradoxal de Léon Bloy et lui-même s'y est longuement employé, dans Le Salut par les Juifs en particulier :
L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais et tout ce qu’on peut faire c’est de les franchir en bondissant avec plus ou moins de fracas, sans aucun espoir de les démolir.
On l’a suffisamment essayé, n’est-ce pas ? et l’expérience d’une soixantaine de générations est irrécusable. Des maîtres à qui rien ne résistait entreprirent de les effacer. Des multitudes inconsolables de l’Affront du Dieu vivant se ruèrent à leur tuerie. La Vigne symbolique du Testament de rédemption fut infatigablement sarclée de ces parasites vénéneux, et ce peuple disséminé dans vingt peuples, sous la tutelle sans merci de plusieurs milliers de princes chrétiens, accomplit, tout au long des temps, son destin de fer qui consistait simplement à ne pas mourir, à préserver toujours et partout, dans les rafales ou dans les cyclones, la poignée de boue merveilleuse dont il est parlé dans le Saint Livre et qu’il croit être le feu divin.
Cette nuque de désobéissants et de perfides, que Moïse trouvait si dure, a fatigué la fureur des hommes comme une enclume d’un métal puissant qui userait tous les marteaux. L’épée de la Chevalerie s’y est ébréchée et le sabre finement trempé du chef musulman s’y est rompu aussi bien que le bâton de la populace.
Il est donc bien démontré que rien n’est à faire, et, considérant ce que Dieu supporte, il convient, assurément, à des âmes religieuses de se demander une bonne fois, sans présomption ni rage imbécile et face à face avec les Ténèbres, si quelque mystère infiniment adorable ne se cache pas, après tout, sous les espèces de l’ignominie sans rivale du Peuple Orphelin condamné dans toutes les assises de l’Espérance, mais qui, peut-être, au jour marqué, ne sera pas trouvé sans pourvoi.)
Justement, il pérorait avec deux de ses compatriotes, aussi peu capables l'un que l'autre de l'intimider, Raoul Denisme et Léonidas Rieupeyroux. Le premier, raté fébrile et gluant chroniqueur, est généralement regardé comme un sous-Chaudesaigues, ce qui est une façon lucrative de n'être absolument rien. Mais le crédit du maître est si fort que le vomitif Denisme arrive tout de même à se faire digérer. Incapable d'écrire un livre, il dépose, un peu partout, les sécrétions de sa pensée, On redoute comme un espion ce croquant chauve et barbu, qui a dû, semble-t-il, payer de quelque superlative infamie son ruban rouge et dont la perfidie passe pour surprenante.
Quant à Léonidas Rieupeyroux, c'est un personnage vraiment divin, celui-là, capable de restituer le goût de la vie aux plus atrabilaires disciples de Schopenhauer. Il est grotesque comme on est poète, quand on se nomme Eschyle. Il a la Folie de la Croix du Grotesque. Méridional, autant qu'on peut l'être en enfer, doué d'un accent à faire venir le diable, il rissole, du matin au soir, dans une vanité capable d'incendier le fond d'un puits.
(+) voila qui, sur un niveau un peu plus soutenu, anticipe opportunément un certain "Touche moi pas, tu me salis" ...