mercredi 23 mai 2012

Hypérion - Hölderlin (1770-1843)


En parallèle, ou plutôt en contraste, du passage déjà cité de Aucun lieu, Nulle part, cet extrait (neuvième lettre du second livre du premier volume ; Hypérion à Bellarmin) :


Ich geleitete sie einst in später Dämmerung nach Hause; wie Träume, beschlichen thauende Wölkchen die Wiese, wie lauschende Genien, sahn die seeligen Sterne durch die Zweige.
Man hörte selten ein »wie schön!« aus ihrem Munde, wenn schon das fromme Herz kein lispelnd Blatt, kein Rieseln einer Quelle unbehorcht liess.
Diessmal sprach sie es denn doch mir aus - wie schön!
Es ist wohl uns zuliebe so! sagt' ich, ungefähr, wie Kinder etwas sagen, weder im Scherze noch im Ernste.
Ich kann mir denken, was Du sagst, erwiederte sie; ich denke mir die Welt am liebsten, wie ein häuslich Leben, wo jedes, ohne gerade dran zu denken, sich in's andre schikt, und wo man sich einander zum Gefallen und zur Freude lebt, weil es eben so vom Herzen kömmt.
Froher erhabner Glaube! rief ich.
Sie schwieg eine Weile.
Auch wir sind also Kinder des Hauses, begann ich endlich wieder, »sind es und werden es seyn«.
Werden ewig es seyn, erwiederte sie.
Werden wir das? fragt' ich.
Ich vertraue, fuhr sie fort, hierinnen der Natur, so wie ich täglich ihr vertraue.
O ich hätte mögen Diotima seyn, da sie diess sagte! Aber du weisst nicht, was sie sagte, mein Bellarmin! Du hast es nicht gesehn und nicht gehört.
Du hast Recht, rief ich ihr zu; die ewige Schönheit, die Natur leidet keinen Verlust in sich, so wie sie keinen Zusaz leidet. Ihr Schmuk ist morgen anders, als er heute war; aber unser Bestes, uns, uns kann sie nicht entbehren und Dich am wenigsten. Wir glauben, dass wir ewig sind, denn unsere Seele fühlt die Schönheit der Natur. Sie ist ein Stükwerk, ist die Göttliche, die Vollendete nicht, wenn jemals du in ihr vermisst wirst. Sie verdient dein Herz nicht, wenn sie erröthen muss vor Deinen Hoffnungen.




Je l'accompagnais une fois, à l'extrême fin du jour, jusque chez elle. Pareils à des rêves, des nuages lourds de rosée trainaient sur les prés, et les astres radieux semblaient des génies aux aguets derrière les branches.
Rarement l'avais-je entendue s'exclamer sur la beauté du monde, bien qu'à son cœur fervent n'échappât le froissement d'aucune feuille, le murmure d'aucun ruisseau.
Ce soir-là pourtant elle ne se contint point. "Que c'est beau ! s'écria-t-elle.
- C'est sans doute par amour pour nous !" dis-je, mi-plaisant, mi-grave, à la manière des enfants.
"Je puis comprendre ta pensée, répondit-elle. Je me représente de préférence le monde comme une maison où chacun, sans même y penser, s'adapte aux autres, vit pour le plaisir et la joie des autres, parce que son cœur le lui inspire.
- Une heureuse et noble croyance !" m'écriai-je.
Elle garda un moment le silence.
"Nous aussi nous sommes les enfants de la maison, repris-je enfin, nous le sommes et le resterons.
- Nous le resterons éternellement, dit-elle.
- Vraiment ? demandais-je.
- Là-dessus, je fais confiance à la Nature, poursuivit-elle, comme je le fais tous les jours pour le reste.
Ah ! j'aurais voulu être Diotima quand elle prononça ces paroles ! Mais tu ne sais pas ce qu'elle dit alors, Bellarmin, car tu n'étais pas là pour l'entendre.
"Tu as raison ! m'écriais-je. La Beauté éternelle, la Nature ne peut souffrir nulle perte, pas plus qu'elle ne peut tolérer de surcroît. Demain, sa parure ne sera plus ce qu'elle était aujourd'hui : mais le meilleur de nous-mêmes, elle ne peut s'en passer ; elle ne peut se passer de nous, de toi surtout. Nous croyons que nous sommes éternels parce que notre âme est sensible à la beauté de la Nature. Que tu y fasses défaut, elle ne serait plus qu'un ouvrage lacunaire, et non l'image de la perfection divine. Elle ne mériterait pas ton cœur, si elle devait rougir de tes espoirs."

(traduit par Philippe Jaccottet)