mercredi 8 août 2012

Einmal haben -- Johannes Bobrowski


Einmal haben
wie beide Hände voll Licht -
die Strophen des Nacht, die bewezgten
Wasser treffen den Uferrand
wieder, den rauhen, augenlosen
Schlaf der Tiere im Schilf
nach der Umarmung - dann
stehen wir gegen den Hang
draußen, gegen den weißen
Himmel, der kalt
über den Berg
kommt, die Kaskade Glanz,
und erstarrt ist, Eis,
wie von Sternen herab.

Auf deiner Schläfe
will ich die kleine Zeit
leben, verveßlich, lautlos
wandern lassen
mein Blut durch dein Herz.



Et voici que

Et voici que
nous avons les deux mains pleines de lumière -
les strophes de la nuit, les eaux
agitées heurtent de nouveau
la rive, le sommeil âpre, sans regard,
des bêtes dans les roseaux
après l'étreinte - puis
nous voilà debout contre la pente
dehors, contre le ciel
blanc, qui vient
par-dessus la montagne,
froid, cascade-splendeur,
et demeure figé, glace
qui descendrait des étoiles.

Sur ta tempe
je veux vivre cette petite
saison, oublieux, sans bruit,
laisser errer
mon sang à travers ton cœur.

(in Johannes Bobrowski, Ce qui vit encore,
traduit par Ralph Dutli et Antoine Jaccottet,
Orphée / La Différence, 1993





L’œuvre de Bobrowski est un peu un secret trop bien gardé des germanistes ! Pas facile peut-être de lui trouver une place entre ses contemporains Celan ou Bachmann ? Répugnance à rendre leur juste place aux voix de la DDR, quand bien même, comme pour Huchel ou Wolf, il serait assez périlleux de tenter d'aligner ces voix sur celle d'un Honecker ?

Bobrowski aussi fut le témoin de l'effondrement d'un continent, pas la Galicie, comme Paul Celan, mais un continent plus au nord, en remontant justement ce "méridien" dont parlait Celan, la "Prusse orientale", aux confins de ce qui continue aujourd'hui d'être la terra incognita de l'Europe, entre Kaliningrad (Königsberg), la Lituanie, la Biélorussie, ces deux rives du Niemen (Memel).


Le Niemen à Grodno (Biélorussie)


Le blanc, l'immensité du ciel, de la plaine ou de la forêt, le sapin et le bouleau, les joncs, le froid et la magie du dégel ... le plus russe des poètes allemands, à n'en pas douter mais, étrangement, si je devais essayer de le ranger à proximité d'un autre poète, ce serait souvent à côté de Kenneth White, pour la façon dont le poème resserre lentement l'immensité qu'il décrit pour le focaliser sur un point unique où flamboie l'image finale. 


L'embouchure du Niemen (Lituanie)