lundi 1 novembre 2010

En grève jusqu'à la retraite ?


Jolie phrase pêchée dans un article de Erri de Luca (article du Corriere della Sera à propos de la situation créée par la gestion désastreuse des décharges de Naples ; repris dans Courrier International N°1043) :

L'autorité qui appelle urgence le fruit de son incompétence ne passera pas.



Deux points de vue intéressants et apparemment assez différents à lire :

  • l'article de Frédéric Lordon qui totalise pas mal d'UBM (*)
    • que la retraite par capitalisation soit le stade ultime de la boucle salariat-épargne (boucle que le "tous propriétaires" avait déjà bien enclenchée ... on lui rajoute un petit effet inter-générationnel qui la rend encore plus difficile à dénouer : si l'on peut envisager de rendre "ses" clés à "sa" banque, peut-on envisager de bazarder la pension de tata ?) dont la finance se contente d'être le parasite (on passera par profits et pertes son rôle d'optimisation dans la répartition des ressources tant il paraît actuellement déplacé d'en parler. On attendra pour cela que les actionnaires épongent leurs pertes ... eux-mêmes !), après en avoir organisé la mise en branle  c'est assez clair, et on pourrait en rajouter sur la stabilité de cette boucle mais à quoi bon paraphraser Max Weber; 
    • opiner que la ficelle est trop grosse et trop mal présentée pour prendre, cela semble plutôt pêcher par optimisme. Un article qui arrive bien tard : les munitions, c'est avant la bataille qu'il faut les fournir !
  • moins UBMisée, la contribution de Pierre Sarton du Jonchet
    • pas encore réussi à me forger une opinion ; ce coup-ci, je trouve la forme extrêmement obscure comme si, en voulant à l'avance réfuter les objections les plus sophistiquées, PSdJ en était arrivé à écrire en langage codé ... 
    • l'effort d'abstraction qui sous-tend les contributions de PSdJ a un effet rafraichissant, une fois le texte passé et repassé au fer chaud : on y voit à l'œuvre quelqu'un qui prend au mot la position du déontologue benthamien et entreprend de démonter un système pour en exhiber la structure. Sa discussion symétrique des promesses intenables de la répartition et de la capitalisation est un contre-champ utile au texte de Lordon et son exposé des vertus du système à points est dans une droite ligne benthamienne : rendre explicite tout ce qui peut l'être et ne pas attendre d'un système aussi complexe qu'un système de retraite qu'il se régule tout seul ; c'est seulement parce que les citoyens pilotent en permanence ce système qu'il peut fonctionner (c'est-à-dire s'adapter en permanence vers un point de fonctionnement qui fasse consensus), la condition pour cela est une organisation rendant explicites et mesurables, et les promesses, et les coûts du système.
    • on achoppe ensuite sur la complexité du système ; quels paramètres prendre en compte etc. Le diable est dans les détails ou plutôt dans l'illusion qu'on pourra toujours, à information constante, raffiner une solution en lui rajoutant des paramètres. Il n'en reste pas moins qu'un système qui rend effectivement possible un contrôle citoyen éclairé car informé est évidemment préférable.








Sur la présence des lycéens ou étudiants dans les cortèges opposés à la "réforme", on a tout entendu et son contraire mais ce "tout" était strictement centré sur leurs intérêts propres (à accepter, à s'opposer etc). Mes quelques échos de manifestation me laissent à penser qu'il existe un autre angle d'approche, celui d'une solidarité inter-générationnelle à bien plus courte portée que celle qui sous-tend un système de retraite par répartition : lycéens et étudiants sont autant qu'il est possible conscients de l'usure à laquelle le "monde du travail" (socialement responsable, bien sûr ... qui oserait en douter ?) expose leurs parents ; c'est en tout cas par ce biais que beaucoup abordent l'allongement de la durée de cotisation, biais autrement plus mordant que le convenu "on va entrer dans la vie active plus tard etc" qui passe en boucle au point de sonner comme un "dehors les vieux" qu'il n'est pas.

J'ai comme le sentiment qu'entre un conflit de génération facile à mettre en scène quant bien même il ne s'exprimerait nulle part et une solidarité inter-générationnelle qui s'exprime avec pudeur mais ne cadre pas avec les impératifs "bien naturels" d'égoïsme à tout crin, le tohu-bohu qui prétend informer à choisi la facilité. Surprenant ?