jeudi 18 août 2011

Sun Ra (1914 - 1993)


Loin de moi la prétention de connaître ne fût-ce qu'une faible partie de l'impressionnante discographie de Sun Ra et de son Arkestra ... je viens seulement de réécouter le disque qui m'a révélé leur existence, disque que j'avais acheté sur sa curieuse mine (un détail du Jardin des délices de Bosch en couverture, c'est une rareté, même au rayon free jazz !) ; ce devait être en 1975 ... deux faces, une au festival de Berlin et l'autre au festival de Donaueschingen en 1970.

It's after the end of the world,
Don't you know that yet ?

(disque MPS réédité en CD par Universal)









Moi qui ne connaissais que Mingus, Coltrane, Coleman et Shepp, ce fut une découverte assez angoissante, que je ne referai que plus tard, dans un autre style, avec la batterie de Sunny Murray (le choc de l'album Sunflower sur BYG, avec Ken Terroade !).
Que penser de cet étrange salmigondis d'où rien ne semblait vraiment prendre forme (l'enregistrement n'est pas parfait mais il n'y est pour rien) et dont, pourtant, il est difficile de se détacher, quand bien même, malgré les écoutes répétées, on ne se sent pas progresser d'un iota vers une "compréhension". Presque trente ans après, j'en suis encore là ; j'ai vu jouer l'Arkestra, j'en ai quelques autres albums (ceux sortis par Leo Records, en particulier), je "connais" ce son, il ne devrait plus me surprendre ou me désorienter, et pourtant, si je remets celui-là je suis perdu à nouveau: Unheimlich schön, pour reprendre le titre d'une œuvre de Luc Ferrari !

If you're not a reality,
Whose myth are you ?

If you're not a myth,
Whose reality are you ?

Tout comme je peux réécouter sans me lasser les deux albums sur Horo de son quartet de 1978 avec John Gilmore (tsx, qui dirigera brièvement - il meurt en 1995 - l'Arkestra après le "départ" de Sun Ra vers d'autres dimensions ; aujourd'hui, c'est Marshall Allen qui dirige le vaisseau), Michael Ray (tp, qui venait de rejoindre l'Arkestra) et Luqman Ali (dr).
Une petite préférence pour Other voices, other blues sur New steps mais cela n'est rien devant le saisissement éprouvé sur ces deux albums non devant la maîtrise d'une palette de styles mais devant un perpétuel bouillonnement, un incessant morphing qui transporte chaque morceau à travers toute l'histoire du jazz.
Luqman Ali borde la toile avec souplesse, les bleeps de Sun Ra affolent l'aiguille du compas, John Gilmore et Michael Ray louvoient des marchin' bands à l'abstract free en passant par ce hard bop dans lequel John Gilmore avait gravé un disque d'anthologie avec Clifford Jordan (Blowing in from Chicago, 1957).

New steps a été réédité en CD chez Atomic records et semble encore disponible ; pour Other voices, other blues, je ne sais pas.
Blowing in from Chicago a été réédité comme second disque de l'album Blowin' sessions chez Blue Note (sur le premier disque, Johnny Griffin, John Coltrane et Hank Mobley !).