Paru en 1988 chez Corti, c'est aujourd'hui encore mon recueil préféré de Silvia Baron Supervielle ; un recueil qui commence dans un murmure :
à moins que
la quête
du lierre
n'étrangle
l'arbre
existant
*
la vibration
me retient
à la surface
d'une note
disparue
*
ce qu'on entend
sans trêve
parler au fond
de soi muet
crève soudain
la terre du
papier
pour enfler lentement ainsi :
si nulle couleur ne ranime
à l'horizon sa direction
et aucune voie aucun tunnel
ne mènent et nulle bouche
ne rêve ni mot ne reconnaît
et pas un signal pas un fanal
ne l'appellent ni contour
ne guette son relief dilué
et on laissait sur les joues
jouer ses larmes aveugles
sans entrevoir ou entraver
ni en chœur par cœur ravir
son hymne caché omniprésent
si elle savait muette mourir
comme un véhicule se termine
lorsque manque le passager
alors peut-être la parole
finirait par ouvrir le vent
dans la gare abandonnée
par faire siffler le rail
à travers le désert
*
ne fût-ce que taire l'arbre
qui s'échappe de la forêt
dire à la pluie les flaques
éclatantes sous la foulée
les lentes lagunes captives
des roseaux au planeur seul
qui lance son virage dévoyé
tendre au typhon le fleuve
et l'avalanche au tonnerre
et le crépuscule à la foudre
de fer qui freine la tombée
rendre la mer à ses marées
les kilomètres aux hectares
les hectares au firmament
céder le soleil au souvenir
la plaine au galop du ciel
le mot au motif de l'onde
la nuit aux astres voilés
laisser enfin l'espace
partir en liberté
et pour s'amenuiser à nouveau doucement et finir en un soupir :
enfin en face
des yeux
s'arrêtera
la parade
qui réveille
la nuit
*
équivalent
au soleil
de l'automne
qui expire
sans partir
ni venir
*
le temps
s'éloigne
du lieu
où l'aube
se fait
jour
Une structure toute en échos qui rappelle un peu le recueil Absens de Marlena Braester.