mardi 25 octobre 2011

Birthday Letters -- Ted Hugues (1930-1998)


Badlands
Theodore Roosevelt National Park, North Dakota,
qui est le cadre du poème Badlands


J'ai toujours eu du mal avec la poésie du géant Ted Hugues ; son panthéisme cruel, la sauvagerie inquiétante de l'image obsessionnelle des couples bourreau / victime ou proie / prédateur m'étaient, me sont toujours trop étrangers. 
Ainsi, en dépit des nombreuses recommandations qui m'ont été faites, je n'ai jamais réussi à lire "vraiment" Cave Birds - An alchemical cave drama (The Viking Press, 1978), malgré sa perfection formelle immédiatement évidente (voir le poème Only a little sleep, a little slumber, par exemple), arrêté sans cesse par ces images brutales que leur limpidité rend encore plus blessantes.

Puis vinrent ces Birthday Letters. (Faber and Faber, 1998). Le ton n'est guère différent ; la perspective l'est, radicalement : ce n'est plus le regard extérieur, surplombant la macabre danse du bourreau et de la victime, jouissant d'en connaître les figures et l'issue. Le regard est maintenant tour à tour celui d'un des acteurs du drame ; perspective interne, qui change tout  : toute jouissance morose disparue, sans modifier vraiment le fond du regard porté sur le monde, c'est le tragique qui s'impose.


La fin du poème Badlands :


The canyons cooled. Indigo darkened,
Oozing out of the earth like ectoplasm,
A huge snake heaping out. 'This is evil,'
You said. 'This is real evil.'
Whatever it was, the whole landscape wore it
Like a plated mask. 'What is it ?'
I kept asking. 'What is it ?'
As if that might force the whatever
To materialize, maybe standing by our car,
Maybe some old indian.
                                          'Maybe it's the earth,'
You said. 'Or maybe it's ourselves.
This emptiness is sucking something out of us.
Here where there's only death, maybe our life
Is terrifying. Maybe it's the life
In us
Frightening the earth, and frightening us.'



'This is evil' ... ceux qui ont vu l'obscurité sortir littéralement des badlands (oozing out of the earth) quand le soleil disparaît connaissent ce sentiment !


Birthday Letters est traduit en français par Sylvie Doizelet chez Gallimard mais ce volume a disparu dans quelque recoin inaccessible, pour l'instant ...