On pourrait même dire que le potlatch est la manifestation spécifique, la forme significative du luxe. Au-delà des formes archaïques, en fait le luxe a gardé la valeur fonctionnelle du potlatch, créateur de rang. Le luxe détermine encore le rang de celui qui l'étale, et il n'est pas de rang élevé qui n'exige un apparat. Mais les calculs mesquins de ceux qui jouissent du luxe sont débordés de tous côtés. A travers les malfaçons, ce qui luit dans la richesse prolonge l'éclat du soleil et appelle la passion : ce n'est pas ce qu'imaginent ceux qui l'ont réduit à la pauvreté, c'est le retour de l'immensité vivante à la vérité de l'exubérance. Cette vérité détruit ceux qui l'ont prise pour ce qu'elle n'est pas : le moins qu'on en puisse dire est que les formes présentes de la richesse décomposent et font une dérision de l'humanité ceux qui s'en croient les détenteurs. A cet égard la société actuelle est une immense contrefaçon, où cette vérité de la richesse est passée sournoisement dans la misère. Le véritable luxe et le profond potlatch de notre temps, s'entend à celui qui s'étend sur la terre et méprise. Un luxe authentique exige le mépris achevé des richesses, la sombre indifférence de qui refuse le travail et fait de sa vie, d'une part une splendeur infiniment ruinée, d'autre part une insulte silencieuse au mensonge laborieux des riches. Au-delà d'une exploitation militaire, d'une mystification religieuse et d'un détournement capitaliste, nul ne saurait désormais retrouver le sens de la richesse, ce qu'elle annonce d'explosif, de prodigue et de débordant, s'il n'était la splendeur des haillons et le sombre défi de l'indifférence. Si l'on veut, finalement, le mensonge voue l'exubérance de la vie à la révolte.
Conclusion de la deuxième section (La société de consumation) de ce livre "d'économie politique" publié par Bataille en 1949.
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