Ne pas être de trop, est la condition première de l'épanouissement conscient et paisible.
(traduit par Bertrand Pautrat ; Alia ; 3€)
Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.
Je m'aperçois que cet extrait final pourrait être mal compris sans la section XXXVI qui l'introduit :
Car c'est presque de l'importance d'une religion d'avoir compris ça : qu'une fois qu'on a découvert la mélodie de l'arrière-plan, on n'est plus indécis dans ses mots ni obscur dans ces décisions. C'est une certitude tranquille née de la simple conviction de faire partie d'une mélodie, donc de posséder de plein droit une place déterminée et d'avoir une tâche déterminée au sein d'une vaste œuvre où tous se valent, le plus infime autant que le plus grand. Ne pas être de trop, est la condition première de l'épanouissement conscient et paisible.
Final complexe de cet écrit de jeunesse (1898) qui part des primitifs italiens pour aboutir, en passant par le théâtre, à cette introduction d'un troisième terme dans le face-à-face de l'individu et de la communauté, cette mélodie des choses, à l'arrière-plan.
Troisième terme ambigu, à la fois séduisant, par l'appel à la sensibilité partagée, à l'écoute , à l'attention en commun comme ciment de la communauté, et inquiétant, par les accents d'harmonie pré-établie qui le traversent.
28/02/2010
Des discussions au sujet de ces dernières lignes auront amené quelques éclaircissements (pour moi, du moins, et si le mot n'est pas trop prétentieux) : Rilke donne deux exemples d' "arrière-plan" dans son texte ; un arrière-plan au théâtre, constitué des sons de la vie qui continue quand se déroule l'action et l'arrière-plan des tableaux primitifs italiens, arrière-plan dont on m'a rappelé opportunément qu'il est surtout composé de scènes de la vie quotidienne, de la vie des champs.
Bref, dans les deux cas, cet arrière-plan n'est pas celui d'une nature extérieure à l'homme ou lui pré-existant mais au contraire un produit de l'activité humaine. Ceci contribue à tempérer les accents d'harmonie pré-établie évoqués plus haut.
29/07/2019
A verser au dossier, cette remarque de Proust (glanée ici) :
Car si on cherche ce qui fait la beauté absolue de certaines choses, des fables de La Fontaine, des comédies de Molière, on voit que ce n’est pas la profondeur, ou telle ou telle autre vertu qui semble éminente. Non, c’est une espèce de fondu, d’unité transparente où toutes les choses, perdant leur premier aspect de choses, sont venues se ranger les unes à côté des autres dans une espèce d’ordre, pénétrées de la même lumière, vues les unes dans les autres, sans un seul mot qui reste en dehors, qui soit resté réfractaire à cette assimilation. Je suppose que c’est cela qu’on appelle le Vernis des Maîtres (...).
(lettre à Anna de Noailles, Juin 1904, ici).
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