dimanche 21 février 2010

De fond en comble la clarté --Tristan Tzara


(...)

ma haine ne se dissipera pas avant que soit passé le fer rouge dans les rangs monstrueux de ceux qui se répandent comme des moucherons


et poursuivent de la vieillesse inhumaine le sombre accroissement des tas sur lesquels se prélassent les yeux injectés de venin le gluant ennui de leur sang les aumônes

je chante la haine pernicieuse

je pense à la tristesse qui bientôt débordera les purs réservoirs où augmente la puissance terrestre de l'homme

je pense à la décision unanime dont le sens déclenchera à la même minute dans toutes les poitrines l'incendie contenu

à l'impatience aux fleurs crispées qui joueront devant les yeux les étoiles aux promesses d'éclosion près de leurs gorges palpitantes

le bois vert ployé sous le regard

que rien ne résiste à l'homme qui a pris sur lui la souffrance des autres

elle veille et le pousse à la lutte des suprêmes témoignages

la terre qui se fond dans l'accueil de ses fruits

quand il se confie à ses yeux grands ouverts

toutes les mélodies se taisent dans l'anxiété des premiers pas

fusez salves orgues sifflez la tache répandue qu'annonce la grappe des souffles

et adhère stridente en communauté parfaite

par gradins de rire panique

au front éclairci au rajustement et à la course précipitée du destin de l'homme vers sa source et son fruit




Le final de ce texte qui passe de la prose aux accents des Psaumes, publié dans Grains et issues en 1935 (L'homme approximatif était paru en 1931). Disponible chez Garnier-Flammarion.

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