lundi 11 octobre 2010

Les oiseaux -- Alfred Hitchcock

 



Le dernier plan des Oiseaux ; une prouesse technique bien sûr (32 prises raccordées ! A l'époque, on ne mettait pas ce qu'on voulait sur un écran ...) mais aussi la métaphore d'un cinéma qui s'en va, celui des années 50, de l'Amérique optimiste : cette image m'a toujours parue composée comme une image finale de western, avec en avant-plan la lisière du village où le duel final vient d'avoir lieu et, au loin, le héros solitaire qui s'éloigne, laissant la bourgade à sa paix retrouvée. Tout y est, mais tout est inversé ; et dans la voiture qui s'éloigne, c'est l'image même de l'Amérique telle qu'elle s'est rêvée dans ses films de l'après-guerre qui s'éloigne, la famille soudée dans l'adversité, avec Mélanie, la femme devenue objet muet, et Mitch, le solide héros. Rien n'y manque, pas même les "inséparables" (lovebirds) qui sont aussi du voyage car, eux, "ils n'ont fait de mal à personne" ... la justice aussi est du voyage ! Et tout ce petit monde, tout ce concentré d'Amérique, abandonne la place au véritable personnage du film, personnage polymorphe, insaisissable car il est millions tel le Satan de Milton, ce personnage que faute de mieux on appelle "les oiseaux", métaphore de la décomposition du sens, de son éclatement, de sa fragmentation si caractéristique de la civilisation de l'image. Dans ce film dont tous les plans sont pensés, y compris dans leurs imperfections volontaires, pour subvertir la narration classique, Hitchcock signe la fin d'un certain cinéma, un cinéma qui se survit encore à lui-même aujourd'hui mais, cela, le déjà-mort qui ne peut pas mourir, Hitchcock l'avait déjà mis en boite ... voir une autre scène finale (enfin, presque finale ; elle aurait pu l'être, semble-t-il), celle de Psychose, bien sûr.


Au rayon des remix, il existe une version vidéo du film ... sans les oiseaux, version due à la patience et à la gomme électronique de Martijn Hendriks (lire ici).



Remerciements à l'équipe de l'Image à Daoulas d'avoir invité Eric Thouvenel (Rennes II) pour commenter cette séance. La prochaine fois, ce sera Blow up.