"Apartheid" nous assène notre martial premier ministre (qui ne fait
là que se répéter, d'ailleurs, apparemment tout fier que les événements
lui aient, de son point vue, donné raison) ; et le chœur de se récrier,
le terme serait trop fort, avec cette extraordinaire argument que si
construction d'inégalités ou de ségrégations il y a, "ce n'est pas fait exprès" ... tout
enfant de cinq ans aura reconnu son argument favori en cas de désastre
objectivement constatable !
Le terme n'est pas trop fort, il est
simplement inapproprié et trop faible pour désigner ce dont il est vraiment
question : les sud-africains blancs "ordinaires" devaient transgresser
la loi pour lutter contre un régime puissant et brutal. Où est chez nous
l'équivalent ? Où est la contrainte ?
Ce qu'il faut expliquer, c'est pourquoi la présence d'un SDF sur un trottoir crée une sorte de "bantoustan instantané" qui nous permet de passer à côté, voire carrément par-dessus, sans qu'aucun lien, aucune forme de reconnaissance basique ne se créent ? Ce n'est certes pas la loi : l'apartheid a bon dos.
Ce qu'il faut expliquer, c'est pourquoi la présence d'un SDF sur un trottoir crée une sorte de "bantoustan instantané" qui nous permet de passer à côté, voire carrément par-dessus, sans qu'aucun lien, aucune forme de reconnaissance basique ne se créent ? Ce n'est certes pas la loi : l'apartheid a bon dos.
Peut-être est-ce simplement le régime de liberté et d'égalité
qui produit cela : chacun est libre, la loi est la même pour tous,
chacun est donc seul responsable de ses succès et de ses échecs. Le
troisième terme qui s'effrite au fronton de nos mairies est passé à la
trappe. Pourtant, cela ne date pas d'hier, cette suspicion qui plane sur le
couple liberté, égalité ; on pourrait même s'amuser à remonter à
Aristote et à la différence entre le juste (selon la loi) et l'équitable.
Laissées à elles-mêmes, liberté et égalité forment un couple infernal travaillant à dissoudre le lien social et à le remplacer par son ersatz aujourd'hui omniprésent, le droit. Il n'y a rien dans le droit qui m'oblige (ou seulement m'incite) à reconnaître autrui au-delà de la non-transgression du domaine que le droit lui reconnaît, à ne reconnaître en lui qu'une abstraction au carré, abstraction car ce n'est pas la personne mais une limite que je reconnais, abstraction au carré car cette limite est elle-même est abstraite en ce qu'elle est le produit du droit.
Laissées à elles-mêmes, liberté et égalité forment un couple infernal travaillant à dissoudre le lien social et à le remplacer par son ersatz aujourd'hui omniprésent, le droit. Il n'y a rien dans le droit qui m'oblige (ou seulement m'incite) à reconnaître autrui au-delà de la non-transgression du domaine que le droit lui reconnaît, à ne reconnaître en lui qu'une abstraction au carré, abstraction car ce n'est pas la personne mais une limite que je reconnais, abstraction au carré car cette limite est elle-même est abstraite en ce qu'elle est le produit du droit.