mercredi 23 mars 2011

Brisure à senestre -- Vladimir Nabokov (1899-1977)


Lolita vous laisse froid ? La défense Loujine vous ennuie ? Les interminables jeux de miroir de Feu pâle vous lassent ? Les pirouettes vous fatiguent et les papillons ne vous intéressent que vivants ? Moi aussi.





Pourtant, il y a un livre de Nabokov dont je ne me séparerais qu'à grand regret, Brisure à senestre (cette expression d'héraldique est un peu bizarre mais allez rendre les échos multiples de Bend sinister !) que je viens de relire : Nabokov peut bien y continuer à sa guise ses pirouettes sous la forme habituelle de l'auteur démiurge présent/absent, semer des rébus idiots en trois ou quatre langues ou tisser des fils rouges qui ne mènent à rien, il ne parvient pas à gâcher l'ostinato mis à nu dès qu'apparaissent Krug et son fils ou Krug et le souvenir de sa femme Olga, comme si, à son corps défendant peut-être mais qu'importe (quoique la préface semble indiquer le contraire), le marionnettiste virtuose laissait un instant son personnage prendre de l'épaisseur. C'est seulement à travers cette épaisseur que je peux me laisser aller ensuite à apprécier la farce hénaurme et les ectoplasmes bariolés qui l'animent.

La scène finale est un parfait exemple de double salto, du présent au passé, de l'intrigue à l'auteur ; la maîtrise est impressionnante :



Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.


(Bend Sinister est paru en 1947 ; traduction française de Gérard Henry Durand chez Julliard en 1978, revue par René Alladaye chez Folio en 2010)