Un des derniers textes de Franz Kafka, laissé inachevé à sa mort en 1924, encore que cet inachèvement n'apparaisse guère à la lecture : la suspension sur un "Aber alles blieb unverändert." fait une chute parfaite à ce texte. on sait seulement que Kafka avait rédigé puis détruit une "fin" plus explicite où le narrateur rencontrait finalement son adversaire. L'absence d'un tel dénouement dans la version conservée, absence qui ne peut que renvoyer le narrateur (et le lecteur) au début du texte n'en souligne que mieux le caractère circulaire du sentiment de panique qui l'anime.
La notice wikipedia est excellente (voir aussi ici).
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Si j'ai été relire ce texte, ce n'est pas seulement pour le plaisir assez pervers de se sentir aspiré dans une âme affolée, tétanisée par la panique dont chaque tentative de défense ne fait que révéler potentiellement sa présence à un adversaire inconnu et dont rien ne permet d'affirmer vraiment les intentions : au-delà de la parabole personnelle, au-delà de la destruction du yiddishland, ce continent où la discrétion (cet autre nom, plus réaliste s'il est moins acceptable, de l'intégration) semblait gage de sécurité, c'est surtout pour ce qu'il nous révèle de l'issue forcément fatale de l'enfermement paranoïaque derrière des murailles ou au fond de bunkers toujours plus gigantesques, que ces refuges soient des constructions de béton ou des constructions mentales.
Le déni de réalité est un des ces bunkers ; il résiste même à tout surcroît de réalité comme nous le rappellent les réactions (on devrait plutôt dire l'absence de réactions) au désastre de Fukushima : c'est loin, tout ira bien ... si on n'en parle pas, tout ira bien ... si on n'en parle pas, cela n'existe pas ... mais pourtant, quelque chose rôde ... n'en parlons surtout pas, cela pourrait faire irruption dans le terrier douillet de notre civilisation.
Pour ceux qui souhaitent lire la version originale, elle est accessible en ligne ici.
Il existe de multiples traductions françaises (Le terrier est la dernière nouvelle du recueil La Muraille de Chine) ; je connais celle d'Olivier Mannoni pour les Carnets de L'Herne (2009) et celle de Dominique Miermont aux Mille et Une Nuits (2002).