mardi 3 mai 2011

To a dog injured in the street -- William Carlos Williams (1883-1963)


It is myself,
not the poor beast lying here
yelping with pain
that brings me to myself with a start -
as at the explosion
of a bomb, a bomb that has laid
all the world waste.
I can do nothing
but sing about it
and so I am assuaged
from my pain.
A drowsy numbness drows my sense
as if of hemlock
I had drunk. I think
of the poetry
of René Char
and all he must have seen
and suffered
that has brought him
to speak only of
sedgy rivers,
of daffodils and tulips
whose roots they water,
even to the free-flowing river
that laves the rootlets
of those sweet-scented flowers
that people the
milky
way.

I remember Norma
our English setter of my childhood
her silky ears
and expressive eyes.
She had a litter
of pups one night
in our pantry and I kicked
one of them
thinking, in my alarm,
that they
were biting her breasts
to destroy her.

I remember also
a dead rabbit
lying harmlessly
on the outspread palm
of a hunter's hand.
As I stood by
watching
he took a hunting knife
and with a laugh
thrust it
up into the animal's private parts.
I almost fainted.

Why should I think of that now ?
The cries of a dying dog
are to be blotted out
as best I can.
René Char
you are a poet who believes
in the power of beauty
to right all wrongs.
I believe it also.
With invention and courage
we shall surpass
the pitiful dumb beasts,
let all men believe it,
as you taught me also
to believe it.

(in The Desert Music and other Poems,
Random House, 1954)





A un chien blessé dans la rue

C'est moi-même,
non la pauvre bête gisant là
hurlant de douleur
qui me fait me ressaisir en sursaut -
comme à l'explosion
d'une bombe, une bombe qui a dévasté
toute l'étendue du monde.
Je ne puis rien faire
que le chanter
et ainsi suis-je soulagé
de ma peine.
Une torpeur somnolente engourdit mes sens
comme si j'avais bu
de la cigüe. Je pense
à la poésie
de René Char
et à tout ce qu'il a dû voir
et souffrir
qui l'a conduit
à ne parler que de
rivières roselières,
de jonquilles et de tulipes
dont elles abreuvent les racines,
jusqu'à la rivière au libre cours
qui lave les infimes racines
de ces fleurs au doux parfum
qui peuplent la
voie
lactée.

Je me rappelle Norma
le setter anglais de mon enfance
ses oreilles soyeuses
et ses yeux expressifs.
Elle eut une portée
de chiots une nuit
dans l'office et je repoussai du pied
l'un d'eux
pensant dans mon émoi
qu'ils
mordaient ses mamelles
afin de la détruire.

Je me rappelle aussi
un lapin mort
gisant inoffensif
sur la paume ouverte
de la main d'un chasseur.
Comme j'étais là
à l'observer
il prit un couteau de chasse
et en riant
le plongea
dans le bas-ventre de l'animal.
Je manquai de m'évanouir.

Pourquoi penser à cela maintenant ?
Les plaintes d'un chien mourant
il faut les étouffer
du mieux que je peux.
René Char
vous êtes un poète qui croyez
au pouvoir qu'a la beauté
de guérir tous les maux.
Je le crois aussi.
Avec de l'imagination et du courage
nous surpasserons
les pitoyables bêtes muettes,
puissent tous les hommes le croire,
comme vous m'avez appris aussi
à le croire.

(traduit par Michelle Roos et Madeleine Montague 
in Cahier de l'Herne, René Char, 1971)



WCW, le chaînon manquant dans ma sainte trinité de la poésie américaine, entre Walt Whitman et Allen Ginsberg !

Quelques extraits de la correspondance entre WCW et Denise Levertov, ici (encore un site remarquable, à vous faire honte de grenouiller sur le web ... bah, shameless est un mot anglais que j'ai toujours adoré !).