La prise du Palais d'hiver (1920)
"La vérité tient en ceci, que le poème a été écrit pendant cette période, à la fois exceptionnelle et toujours brève, où le cyclone révolutionnaire porte la tempête sur tous les océans - ceux de la nature, de la vie, de l'art. Dans l'océan de la vie humaine il y a une sorte de petite anse, du genre de la flaque du Marquis (*), et qui a nom la politique ; il y était question de l'abolition de la diplomatie, d'une justice nouvelle, de la fin de la guerre, ça durait depuis quatre ans déjà ! - Les océans de la nature, de la vie et de l'art se sont déchaînés, les éclaboussures ont formé un arc-en-ciel au-dessus de nous. Je regardais l'arc-en-ciel en écrivant Douze, c'est pourquoi il est resté, dans le poème, une goutte de politique.
On verra bien ce que le temps en fera. Peut-être toute politique est-elle si sale qu'une seule goutte altère le poème et gâte tout le reste ; peut-être qu'elle n'en détruira pas la signification ; peut-être, finalement - qui sait ! - s'avérera-t-elle le ferment grâce auquel on lira Douze dans un temps qui ne sera plus le nôtre. Pour l'instant, je ne peux en parler moi-même qu'avec ironie ; mais ce n'est pas à nous de formuler, dès aujourd'hui, le jugement définitif qui sera prononcé sur nous-même.", écrivait Blok en 1920 à propos de Douze, son dernier poème, composé en 1918.
(*) Surnom donné au golfe de Finlande, en raison de son peu de profondeur et du nom du ministre de la mer, du temps du tsar Alexandre Ier, le marquis de Traversé.
Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.
Est-il inconcevable de lire Douze comme une forme de réponse, à quinze ans d'écart, au Livre de la pauvreté et de la mort ?
Douze, traduit et présenté par Olivier Kachler est disponible aux éditions Alia (2008) en version bilingue, avec les dessins de Youri Annenkov qui accompagnait l'édition de 1920.