lundi 11 juillet 2011

Elytis encore ...


Elytis n'a pas toujours le ton prophétique et sévère des deux extraits précédents ; c'est d'ailleurs ce qui m'aura toujours le plus dérouté chez lui, c'est l'infini variété de ton qui souligne une architecture très complexe qu'aucune première lecture ne peut apercevoir.

Le premier poème du Journal d'un invisible avril, par exemple :


Mercredi, 1

SANS ARRÊT LES CHEVAUX mâchonnent des draps blancs et sans arrêt ils franchissent triomphalement le seuil de la Menace.

Chênes, hêtres, charmilles, j'entends les branches qui raclent la caisse sonore du vieux fiacre où je me suis un jour jeté afin tant bien que mal de fuir,
Rejouant une œuvre qui a parfois fait retour au secret et vieilli sans que quiconque l'ait vue.

Vite. Avant que ne pâlissent les images. Ou qu'elles ne stoppent à l'improviste - si la pellicule usée se coupe.



(in Axion Esti, in Axion Esti suivi de L'Arbre lucide et la quatorzième beauté et de Journal d'un invisible avril, traduit par Xavier Bordes et Robert Longueville, présenté par Xavier Bordes, Poésie / Gallimard, 1996)