"La conscience ne serait-elle pas simplement le voisinage deviné des morts ?"
La tapisserie de l'Apocalypse m'aura rappelé ce très curieux texte de Léon Bloy, extrait de son dernier ouvrage, Méditations d'un solitaire en 1916 ; très marqué par la guerre et la méditation sur la mort, c'est mon livre préféré de Bloy : on y trouve toujours ses emportements et ses fulminations contre le crétinisme bourgeois et la veulerie générale (sans oublier les passages consacrés à honnir l'Allemagne et son empereur qui sont autant de réjouissants morceaux de bravoure dans l'invective ...) mais ce ton est rendu plus profond, plus distinct finalement sur cet arrière-plan de recueillement, d'émotion et de souvenir assez rare chez Bloy.
La tapisserie de l'Apocalypse m'aura rappelé ce très curieux texte de Léon Bloy, extrait de son dernier ouvrage, Méditations d'un solitaire en 1916 ; très marqué par la guerre et la méditation sur la mort, c'est mon livre préféré de Bloy : on y trouve toujours ses emportements et ses fulminations contre le crétinisme bourgeois et la veulerie générale (sans oublier les passages consacrés à honnir l'Allemagne et son empereur qui sont autant de réjouissants morceaux de bravoure dans l'invective ...) mais ce ton est rendu plus profond, plus distinct finalement sur cet arrière-plan de recueillement, d'émotion et de souvenir assez rare chez Bloy.
Prodigieuse vision qui unit un leibnitzianisme statique au point de rejeter toute "flèche du temps" (en conservant toutefois une sorte de causalité !) à une confiance infinie dans la miséricorde divine (qui prend soin d'équilibrer sans cesse les mérites) confinant à l'apocatastase !
"Dieu connaît son œuvre et cela suffit. ...", tout ce développement ouvre bien la voie vers un enfer "asymptotiquement" vide, ce "grand secret" qu'on ne pouvait écrire mais que certains Pères Grecs, en particulier Origène et Maxime le Confesseur, semblaient tant chérir : pour que vienne "vraiment" la fin des temps, il faut bien que tout le mal soit finalement consumé (tiqqun ! ... quoique le tiqqun soit plus le résultat de l'effort des hommes), que toutes les créatures fassent retour à leur créateur et que, par conséquent, l'enfer soit finalement vide, lentement vidé par le travail de sape de la miséricorde infinie du créateur.
Une conséquence intéressante de cette croyance est que le dernier "damné", la dernière créature à refuser de faire retour au sein du créateur porte sur ses seules épaules la flèche du temps, l'histoire humaine dans son entier en quelque sorte, et empêche le cycle de se fermer : infini pouvoir de la créature !
Pour un survol historique et une discussion de l'apocatastase d'un point de vue moderne ("la seule personne dont je puis penser qu'il risque l'enfer pour l'éternité, c'est moi", en substance), voir le très resserré L'enfer, une question de Hans Urs von Balthasar chez Desclée de Brouwer. Rien de moins "ratzingerien" !
Les Méditations d'un Solitaire en 1916 sont en ligne chez Gallica et ont été ré-éditées par La Part Commune avec une préface de Delphine Descaves.