lundi 2 juillet 2012

Allegria ...


Travailler plus pour gagner plus
(version soviétique, années 60)


Si des démagogues comme Hitler ou Goebbels faisaient aujourd'hui leur apparition, ils promettraient à leurs peuples, d'un même souffle, rationalisation et plein-emploi, non : carrément la rationalisation comme condition du plein-emploi. Mais pourquoi mettre cette phrase au conditionnel ?
Si ces peuples étaient aussi susceptibles d'être leurrés que le peuple allemand en 1933, ils pousseraient des cris d'allégresse face à cette double promesse et se précipiteraient en exultant dans l'abîme. Mais, là aussi, pourquoi mettre cette phrase au conditionnel ?

Günther Anders, L'obsolescence du travail (1977), in L'obsolescence de l'Homme, tome II, traduit par Christophe David aux éditions Fario (2002).


Si ce genre de considérations vous arrête, et il y a de quoi, tant Anders place son lecteur dans l'inconfortable position de justifier, si c'est possible, sa douillette inaction et son acquiescement pétochard à un monde se déployant sans plus aucune surprise dans le délai qui nous sépare de notre fin collective ("Hé quoi, suis-je le gardien de mon frère ?" ... l'air est connu, indémodable), il y a encore une excellente raison de lire Anders : la magnifique étude d'En attendant Godot qui clôt le tome I ; là, aucune excuse !