mercredi 18 juillet 2012

zurück ist es weit -- Thomas Bernhard


Denis Baudier
une planche de sa galerie Energie Noire



Kein Baum und kein Himmel
wird dich trösten,
auch nicht das Mühlrad
hinter dem Krachen des Tannenholzes,
kein sterbender Vogel,
nicht die Eule und nicht das rasende Redhuhn,

zurück ist es weit

dich wird kein Strauch mehr schützen
vor kalten Sternen
und blutigen Zweigen,
kein Baum und kein Himmel
wird dich trösten,
in den Kronen zerborstener Winter
wächst dein Tod
mit steifen Fingern
fern von Gras und Wildnis
in die Sprüche des frisch gefallenen Schnees.
(in Unter dem Eisen des Mondes,
Kiepenheuer & Witsch, 1958)





Aucun arbre et aucun ciel
ne te consolera
même pas la meule
derrière le fracas du bois de sapin,
aucun oiseau mourant,
ni le hibou ni la perdrix enragée,

revenir, c'est loin,

aucun buisson ne te protégera plus
des froides étoiles
et des branches ensanglantées,
aucun arbre et aucun ciel
ne te consolera,
dans les couronnes des hivers déchiquetés
croît la mort
aux doigts raidis
loin de l'herbe et du monde sauvage
dans la Parole de la neige fraîche qui vient de tomber.



Extrait de Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer, choix de poèmes traduits et présentés par Susanne Hommel, Orphée / La Différence (nouvelle série ! Voir ici pour une recension ; excellent site au demeurant).


Pinaillages divers :
  • "croît la mort" est peut-être une coquille pour "croît ta mort" ("wächst dein Tod" n'est pas ambigu) ; il y a quelques rares autres coquilles mineures dans le recueil, sans conséquence pour la lecture
  • pour respecter un peu plus le rythme lancinant du poème, je préférerais quelque chose comme

Aucun arbre et aucun ciel
ne te consolera
non plus la meule
derrière le fracas du bois de sapin,
aucun oiseau mourant,
non plus le hibou ni la perdrix enragée,

  • sur le dernier vers, la majuscule de "Parole" me semble discutable ; le ton du poème mêle bien la rage froide qui sature les poèmes de Bernhard à des échos "celaniens" (encore que ce soit peut-être moi qui sur-interprète, tant le champ du mot "neige" est marqué, pour moi, par l'emploi qu'en fait Celan comme image de l'effacement, de l'anéantissement, s'enroule autour du mot la neige...)  mais je préférerais simplement

dans la parole de la neige fraîchement tombée.

  • et pour "zurück ist es weit" (qui n'est pas le titre du poème ... qui n'en a pas),

revenir, que c'est loin