Un recueil initialement publié en 1944, remanié par l'auteur et confié un an avant sa mort aux soins de l'éditeur de la collection Orphée.
Plus lyrique, moins intimidant, moins labyrinthique que ses contemporains Auden ou Eliott, il partage néanmoins leurs sombres interrogations.
La traduction de Michel Bulteau fait parfois quelques véroniques face aux obstacles, comme pour la première strophe ci-dessous, mais comment proposer un équivalent de Those whom dissatisfaction / Inward and dreamward drove qui ne soit pas abominablement pataud ? Les leafless arches m'évoquent plutôt des colonnades (Capitol after capitol !) ...
Song
Under the leafless arches
Their bleeding faces move ;
Those whom dissatisfaction
Inward and dreamward drove
Haunt me, and I can hardly
Hear through their broken cries,
Hear through their broken whispers
The voice of the one I love.
The flies under the arches
Are gorging upon fate
And the cold lips of the dying
Hour on hour create
Whether with cries or whispers
Survival after death,
Recompense after death
In the hot hearts of the great.
Capitol after capitol
Re-echoes with the cries
Of lives never completed.
Victor on vainquished lies
And pours his howling seed
Deep into that dark hollow,
Deep into that dark ocean
In which all wisdom dies.
Birds flow under the heavens,
And seas over their bed
And the endless sea of history
Flows over the dead
While I wait in the useless city
For the voice of the one I love,
For the head of the one I love
Beside my sleepless head.
Chant
Sous les charmilles sans feuilles
Passent leurs visages sanglants ;
Les insatisfaits et les désenchantés
M'obsèdent dans leurs cris déchirants,
Dans leurs murmures blessés
Je reconnais la voix de celle que j'aime.
Les mouches sous les charmilles
Se rassasient de la destinée
Et les lèvres froides du mourant
Heure après heure
Tant par des cris que par des murmures
Inventent une vie après la mort,
La récompense suprême
Des héros au grand cœur.
Capitole après capitole
Nouveaux échos des cris
De vies inachevées.
Le vainqueur repose sur les vaincus
Et sème son hurlement
Dans un trou noir,
Au plus profond de l'océan
Où se meurt la sagesse.
Des marées d'oiseaux dans les cieux,
Des mers couvrent leurs œufs
Et la mer infinie de l'histoire
Recouvre les morts
J'attends dans la vallée inutile
Pour entendre la voix de celle que j'aime,
Pour voir son visage
Et oublier mes nuits sans sommeil.
(in Frederic Prokosch, Ulysse brûlé par le soleil, traduit par Michel Bulteau, Orphée / La Différence, 2012)