Voila bien un livre qui tient de l’inaccessible ; une sorte Himalaya ...
Pourtant, avant même de l'ouvrir, on connaît sa réputation, on sait en quelque sorte ce que l'on va lire, en fait, on le lit juste pour vérifier l'exactitude de sa notice wikipedia.
Et puis ... hé bien, et puis rien ; passé les deux courts chapitres introductifs, d'une lecture si facile qu'elle est pliée en à peine une heure, on débouche dans l'aridité des hauts plateaux ; du moins, je débouche dans cette aridité ! Le guide des égarés de Maïmonide, je ne l'ai "lu" qu'en "morceaux choisis", bref pas lu, encore moins relu et carrément pas médité, alors, le troisième chapitre qui lui est consacré me passe à 3000 pieds au-dessus de l'intellect : les notes et références s'accumulent en vain, de toute façon, je n'ai pas les quelques mille pages du traité sous la main.
Le quatrième chapitre me présente un paysage encore plus désespérant : avant d'aborder La persécution et l'art d'écrire, je ne connaissais Juda Halevi que de nom et pas du tout son Kuzari ... inutile de s'attarder, tout ce concentré d'érudition me donne le joli rôle du proverbial cochon (devant les perles) !
Pourtant, avant même de l'ouvrir, on connaît sa réputation, on sait en quelque sorte ce que l'on va lire, en fait, on le lit juste pour vérifier l'exactitude de sa notice wikipedia.
Et puis ... hé bien, et puis rien ; passé les deux courts chapitres introductifs, d'une lecture si facile qu'elle est pliée en à peine une heure, on débouche dans l'aridité des hauts plateaux ; du moins, je débouche dans cette aridité ! Le guide des égarés de Maïmonide, je ne l'ai "lu" qu'en "morceaux choisis", bref pas lu, encore moins relu et carrément pas médité, alors, le troisième chapitre qui lui est consacré me passe à 3000 pieds au-dessus de l'intellect : les notes et références s'accumulent en vain, de toute façon, je n'ai pas les quelques mille pages du traité sous la main.
Le quatrième chapitre me présente un paysage encore plus désespérant : avant d'aborder La persécution et l'art d'écrire, je ne connaissais Juda Halevi que de nom et pas du tout son Kuzari ... inutile de s'attarder, tout ce concentré d'érudition me donne le joli rôle du proverbial cochon (devant les perles) !
Ouf, cinquième chapitre, là, je ne suis plus tout à fait largué ou du moins, il y a de l'espoir : le Traité Théologico-Politique, je l'ai lu ; pas sans mal, mais en entier et avec attention, du moins le croyais-je (pour l’Éthique, non, même avec beaucoup de persévérance, je n'ai pas dépassé le milieu du livre II ...). Las ... le concentré d'érudition de Leo Strauss est tout simplement trop dosé, inassimilable : mon vieil exemplaire du TTP n'en peut plus d'aller et venir sous l'avalanche des références, je me perds entre Spinoza (avoir lu n'est pas avoir compris ; ce n'est même pas se souvenir, malheureusement, et le TTP n'est pas exactement le genre de livre qu'on peut aborder par le milieu ...) et Strauss (qui, lui, a lu, relu et médité ... et ne se prive pas de le faire savoir, sans la moindre forfanterie au demeurant, en se contentant de dérouler tranquillement sa pelote, son énorme pelote, comme si son lecteur allait le suivre sans grande difficulté et rembobiner tout cela proprement alors qu'il, le lecteur, enfin, moi, en tout cas, n'amasse qu'un prodigieux sac de nœuds).
(Ce ne sont pas tant les notes et renvois à l’œuvre analysée qui posent problème que le fait qu'il faille les suivre pour espérer hisser sa lecture vers le niveau que lui suppose Strauss. Le Sabbataï Tsevi de Gershom Sholem est lui aussi irrigué par un fleuve souterrain de notes mais il est évident que Scholem les place là pour une catégorie particulière de lecteurs et qu'il est possible de lire tout le Sabbataï Tsevi sans passer par les sous-terrains ni trahir l'intention de l'auteur !
Évidemment, cela ne signifie pas qu'on ne peut pas lire l'ensemble du livre sans passer par les notes et comprendre où Leo Strauss veut en venir, du moins apparemment ; tout le problème tient dans le "apparemment" !)
Furibard, vexé et vaguement honteux, on expédie le volume sur les sommets de la bibliothèque, là où règnent les araignées (cela va bien avec Spinoza !), et on se rassure en ouvrant le dernier Marc Lévy : oui, apparemment, on sait encore lire mais là, ce n'est pas l’Himalaya, c'est le vide sidéral.
Alors, on se souvient que même les plus hauts sommets ont leurs modestes contreforts et qu'à défaut de conquérir les cimes, mieux vaut les contempler d'en bas "en vrai" que de se contenter des images du calendrier des Postes !
(Ce ne sont pas tant les notes et renvois à l’œuvre analysée qui posent problème que le fait qu'il faille les suivre pour espérer hisser sa lecture vers le niveau que lui suppose Strauss. Le Sabbataï Tsevi de Gershom Sholem est lui aussi irrigué par un fleuve souterrain de notes mais il est évident que Scholem les place là pour une catégorie particulière de lecteurs et qu'il est possible de lire tout le Sabbataï Tsevi sans passer par les sous-terrains ni trahir l'intention de l'auteur !
Évidemment, cela ne signifie pas qu'on ne peut pas lire l'ensemble du livre sans passer par les notes et comprendre où Leo Strauss veut en venir, du moins apparemment ; tout le problème tient dans le "apparemment" !)
Furibard, vexé et vaguement honteux, on expédie le volume sur les sommets de la bibliothèque, là où règnent les araignées (cela va bien avec Spinoza !), et on se rassure en ouvrant le dernier Marc Lévy : oui, apparemment, on sait encore lire mais là, ce n'est pas l’Himalaya, c'est le vide sidéral.
Alors, on se souvient que même les plus hauts sommets ont leurs modestes contreforts et qu'à défaut de conquérir les cimes, mieux vaut les contempler d'en bas "en vrai" que de se contenter des images du calendrier des Postes !
On redescend Leo de son exil au royaume des araignées pour relire la présentation de son traducteur, Olivier Sedeyn : grâce à lui, on peut assembler une "maquette" de La persécution et l'art d'écrire, à savoir, La philosophie de Platon d'Al-Fârâbi d'une part et Le Platon d'Al-Fârâbi de Leo Strauss d'autre part ; mis bout à bout, pas même 100 pages et un arrière-plan, les Dialogues de Platon, nettement moins "unheimlich", du moins pour ce qui me concerne, que les arcanes de la Torah.
Enfin, on peut lire Leo Strauss (en réduction, certes), aller et venir dans la recension d'Al-Fârâbi, retourner à Strauss en faisant un détour par Platon ; quel plaisir de relire Le Politique !, et surtout quel plaisir de se voir offrir une autre piste de lecture possible pour agencer ensemble Timée, La République, Les Lois et Le Politique que le peu satisfaisant "Platon a du changer d'avis en cours de route" voire, encore pire, "Platon ne se souvient plus de ce qu'il a écrit avant" .
Les écarts, et les silences !, que l'on suit dans Al-Fârâbi sous la direction de Strauss, on commence à entrevoir qu'en effet, au lieu de participer d'une "simple" imperfection de l’œuvre, ils pourraient bien manifester une extrême qualité d'écriture destinée à révéler à ceux qui en sont dignes (les lecteurs en possession de cet "art de lire" qui répond à l' "art d'écrire") ce qui ne peut être écrit ouvertement, que cela soit trop dangereux ou trop imprudent (toute vérité n'est pas bonne à dire ... ou à entendre !).
Au passage, on se souvient que la matière du Platon d'Al-Fârâbi recoupe en grande partie le premier chapitre de La persécution et l'art d'écrire ... maudit Leo Strauss, il nous avait aussi donné les plans de la "maquette" : encore fallait-il savoir lire !
De Leo Strauss, on peut aussi lire Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon, toujours traduit par Olivier Sedeyn, toujours chez Allia, un petit livre où Leo Strauss donne un aperçu de cet art de lire appliqué à Platon tout en démolissant avec allégresse et férocité le livre d'un collègue ; le jeu de massacre est tout à fait réjouissant mais c'est évidemment un aspect secondaire de ce court livre.
Leo Strauss,
La persécution et l'art d'écrire (Gallimard)
Le Platon d'Al-Fârâbi (Allia)
Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon (Allia ; également disponible sur le site du traducteur, ici)
tous traduits et présentés par Olivier Sedeyn
Al-Fârâbi,
La philosophie de Platon (Allia)
traduit par Olivier Sedeyn et Nassim Lévy
Au passage, on se souvient que la matière du Platon d'Al-Fârâbi recoupe en grande partie le premier chapitre de La persécution et l'art d'écrire ... maudit Leo Strauss, il nous avait aussi donné les plans de la "maquette" : encore fallait-il savoir lire !
De Leo Strauss, on peut aussi lire Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon, toujours traduit par Olivier Sedeyn, toujours chez Allia, un petit livre où Leo Strauss donne un aperçu de cet art de lire appliqué à Platon tout en démolissant avec allégresse et férocité le livre d'un collègue ; le jeu de massacre est tout à fait réjouissant mais c'est évidemment un aspect secondaire de ce court livre.
Leo Strauss,
La persécution et l'art d'écrire (Gallimard)
Le Platon d'Al-Fârâbi (Allia)
Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon (Allia ; également disponible sur le site du traducteur, ici)
tous traduits et présentés par Olivier Sedeyn
Al-Fârâbi,
La philosophie de Platon (Allia)
traduit par Olivier Sedeyn et Nassim Lévy
Un petit commentaire supplémentaire : en dépit de sa difficulté - conséquence du défi que Strauss lance à ses lecteurs, une sorte de "m'aura-t-on compris ?" ... accompagné du mode d'emploi !, ce cinquième chapitre consacré au TTP est un de mes trois guides dans mes randonnées (il serait plus juste de parler de treks malaisés) dans les paysages désertiques et enchantés, sorte de "White Sands" philosophique, de Spinoza, avec Spinoza - Philosophie pratique de Gilles Deleuze (Éditions de Minuit) et Spinoza de Guiseppe Rensi (Allia).
A noter que Deleuze appelle aussi à la vigilance à la lecture de Spinoza :
C'est un procédé fréquent qui consiste à cacher les thèses les plus audacieuses ou les moins orthodoxes dans des appendices ou dans des notes (témoin encore le dictionnaire de Bayle). Spinoza renouvelle le procédé par sa méthode systématique des scolies, qui renvoient les uns aux autres et se rattachent eux-mêmes aux préfaces et appendices, formant une seconde Éthique souterraine.
(Chapitre II, note 21)
White Sands (source)
A noter que Deleuze appelle aussi à la vigilance à la lecture de Spinoza :
C'est un procédé fréquent qui consiste à cacher les thèses les plus audacieuses ou les moins orthodoxes dans des appendices ou dans des notes (témoin encore le dictionnaire de Bayle). Spinoza renouvelle le procédé par sa méthode systématique des scolies, qui renvoient les uns aux autres et se rattachent eux-mêmes aux préfaces et appendices, formant une seconde Éthique souterraine.
(Chapitre II, note 21)