jeudi 22 avril 2010

Hymn -- Juliusz Słowacki (1809-1849)


Smutno mi, Boże! - Dla mnie na zachodzie
Rozlałeś tęczę blasków promienistą;
Przede mną gasisz w lazurowéj wodzie
Gwiazdę ognistą...
Choć mi tak niebo ty złocisz i morze,
Smutno mi, Boże!


Jak puste kłosy, z podniesioną głową
Stoję rozkoszy próżen i dosytu...
Dla obcych ludzi mam twarz jednakową,
Ciszę błękitu.
Ale przed tobą głąb serca otworzę,
Smutno mi, Boże!

Jako na matki odejście się żali
Mała dziecina, tak ja płaczu bliski,
Patrząc na słońce, co mi rzuca z fali
Ostatnie błyski...
Choć wiem, że jutro błyśnie nowe zorze,
Smutno mi, Boże!

Dzisiaj, na wielkim morzu obłąkany,
Sto mil od brzegu i sto mil przed brzegiem,
Widziałem lotne w powietrzu bociany
Długim szeregiem.
Żem je znał kiedyś na polskim ugorze,
Smutno mi, Boże!

Żem często dumał nad mogiłą ludzi,
Żem prawie nie znał rodzinnego domu,
Żem był jak pielgrzym, co się w drodze trudzi
Przy blaskach gromu,
Że nie wiem, gdzie się w mogiłę położę,
Smutno mi, Boże!

Ty będziesz widział moje białe kości
W straż nie oddane kolumnowym czołom;
Alem jest jako człowiek, co zazdrości
Mogił popiołom...
Więc że mieć będę niespokojne łoże,
Smutno mi, Boże!

Kazano w kraju niewinnéj dziecinie
Modlić się za mnie co dzień... a ja przecie
Wiem, że mój okręt nie do kraju płynie,
Płynąc po świecie...
Więc, że modlitwa dziecka nic nie może,
Smutno mi, Boże!

Na tęczę blasków, którą tak ogromnie
Anieli twoi w siebie rozpostarli,
Nowi gdzieś ludzie w sto lat będą po mnie
Patrzący - marli.
Nim się przed moją nicością ukorzę,
Smutno mi, Boże!




Hymne

Je suis triste, mon Dieu. Je te vois éployer
Pour moi, vers le couchant, des lueurs irisées,
Devant moi, dans les flots couleur d'azur, noyer
Une étoile embrasée.
Bien que tu vêtes d'or ciel et mer pour mes yeux,
Je suis triste, mon Dieu !

Comme font les épis stériles, je me tiens
Front levé, de plaisirs et de satiété vide.
Devant les gens, je montre un visage serein
Tel un ciel bleu limpide.
Mais à toi j'ouvre un cœur au fond caché pour eux :
Je suis triste, mon Dieu !

Comme un petit enfant qui sanglote au départ
De sa mère – je suis près des larmes moi-même
Quand je vois le soleil jetant à mes regards
Une lueur suprême.
Bien que n'ignorant point son retour radieux,
Je suis triste, mon Dieu !

M'égarant aujourd'hui dessus la vaste mer,
À cent milles d'un bord – et, d'un autre, à cent milles,
J'ai vu passer un vol de cigognes dans l'air,
Formant sa longue file.
De les avoir connues à terre, sous mes cieux,
Je suis triste, mon Dieu !

D'avoir, sur le tombeau d'autrui, souvent pensé,
D'avoir si peu connu le toit de ma famille
Et, tel un pèlerin, à grand peine avancé
Sous l'orage qui brille,
D'ignorer où sera de ma tombe le lieu,
Je suis triste, mon Dieu !

Mais tu ne verras point mes os blancs confiés
À la protection de colonnes altières
Car je suis un vivant ne cessant d'envier
Les cendres sous la terre.
Puisque je n'aurai rien qu'un repos anxieux,
Je suis triste, mon Dieu !

Au pays, chaque jour, un enfant innocent
Devra prier pour moi – mais c'est en vain qu'il prie :
Je sais que mon bateau, par le monde voguant,
Ne va vers ma patrie.
Puisque l'enfant qui prie à mon sort rien ne peut,
Je suis triste, mon Dieu !

Ces tons éblouissants de l'immense arc-en-ciel
Qu'en la voûte des cieux tes anges ont fait naître,
Dans un siècle après moi vont de nouveaux mortels
Les voir – puis disparaître...
Avant, de mon néant, de faire l'humble aveu,
Je suis triste, mon Dieu !

(traduction de Roger Legras, à qui l'on doit la traduction
de Pan Tadeusz de Mickiewicz, à l'Age d'Homme)


Un classique de la poésie polonaise ! Ecrit sous le coup d'un coucher de soleil à Alexandrie, tant il est vrai que les poètes polonais de cette ère classique (*) voyageaient beaucoup en exil, suite à la partition en 1814 de la Pologne-Lithuanie entre la Russie, la Prusse et l'Autriche-Hongrie (sans oublier un "confetti libre" autour de la ville de Cracovie qui avait un traitement particulier ...) et aux nombreuses insurrections qui s'en suivirent, avant de se fixer à Paris ! Tout comme un certain Fryderyk Chopin ...




(*) Les plus célèbres sont les trois "bardes" Mickiewicz, Słowacki et Krasiński ; il faut, au moins, leur ajouter Norwid. Mickiewicz est mort à Istanbul, les trois autres à Paris. Tous
, sauf Krasiński, sont enterrés à Cracovie, au Wawel (enfin, pour Norwid, on y a placé en 2001 une urne renfermant la terre de la fosse commune parisienne où il fut inhumé ...), opportunément à l'écart des Rois et autres Grands Personnages, dans une crypte à eux, la "Crypte des Poètes Nationaux".

Sur ce qui sous-tend l'œuvre des trois premiers et leur vaut ce titre de barde-prophète, j'emprunte ce qui suit à la notice biographique de Krasiński (ici) :

Traditionnellement Krasiński est considéré comme un des personnages de la "trinité des prophètes", des poètes prophétiques dont la réflexion sur l’histoire de l’humanité et de la nation constitue à la fois une voyance de la finalité de l‘histoire et une vision de l’avenir. Il voyait l’histoire de la même façon que Mickiewicz et Slowacki, comme un processus de la réalisation progressive des objectifs transcendants, de la construction du Royaume Divin sur la terre. L’acceptation de l’existence, aussi bien transcendante que personnifiée, du Dieu ainsi que de la Providence incorporée dans l’histoire en tant que sa loi évolutive, est essentielle dans la philosophie de Krasiński. La nation polonaise dirige l’humanité sur le chemin vers les objectifs finaux, pour ses mérites du passé et de la souffrance et cette nation est guidée par les familles nobles représentant la tradition la plus élevée. Le messianisme de Krasiński dans sa forme mure constitue la version conservatrice de la philosophie romantique.

Que ceux qui trouveraient délirante cette extravagante téléologie de la modeste Pologne veuillent bien se souvenir que les nations n'ont de cesse de se persuader de leur "manifest destiny" (terme introduit par John O'Sullivan, Democratic Review 1845; Walt Whitman publiera ses premières œuvres, des nouvelles, dans cette revue et Leaves of Grass est -- aussi -- à lire sous cet éclairage, ne cédant rien aux bardes polonais en matière d'emphase ! Voir en particulier Passage to India ou cet extrait de la Préface de 1855 : The American poets are to enclose old and new for America is the race of races. Of them a bard is to be commensurate with a people. To him the other continents arrive as contributions . . . he gives them reception for their sake and his own sake. His spirit responds to his country's spirit . . . . he incarnates its geography and natural life and rivers and lakes.) et que le mouvement romantique européen est concomitant de la montée des revendications nationales. Si le romantisme français a ceci d'assez particulier qu'il a peu manifesté d'ardeur nationaliste, c'est moins par l'effet d'une vertu nationale particulière, que parce que prévalait le sentiment d'affirmation préalable de cette destinée manifeste au travers de la révolution de 1789, du régicide et de l'épopée napoléonienne !




Tant que j'y suis ... un poème de Norwid (Pieśń od ziemi naszej ultra-connu, aucune originalité dans le choix ! Il y avait aussi Le piano de Chopin comme possibilité, c'est dire l'absence d'originalité) dans la même veine "prophétique" et deux traductions françaises (disponibles avec celles de quelques autres poèmes, ici)
.

On fait parfois un parallèle entre Norwid et Mallarmé ; c'est un peu schématique : certes tous deux viennent après la grande génération romantique, certes la langue de Norwid et l'usage qu'il en fait est infiniment plus "artificielle" que celle de ses prédécesseurs (recours fréquent aux mots rares et anciens, néologismes curieux, phrases à la construction parfois étrange ... même pour le polonais, pourtant peu rigide en la matière) mais ce que je connais de Norwid n'est que rarement vraiment et sciemment obscur ; je ne crois pas que Norwid ait jamais écrit quelque chose d'aussi somptueusement indéchiffrable que Le Tombeau de Charles Baudelaire (+) !






PIEŚŃ OD ZIEMI NASZEJ



Et aux horions,
l'on verra qui a meilleur droit --
Jeanne d'Arc



I

Tam, gdzie ostatnia świeci szubienica,
Tam jest mój środek dziś - tam ma stolica,
Tam jest mój gród.

Od wschodu: mądrość-kłamstwa i ciemnota,
Karności harap lub samotrzask z złota,
Trąd, jad i brud.

Na zachód: kłamstwo-wiedzy i błyskotność,
Formalizm prawdy - wnętrzna bez-istotność,
A pycha pych!

Na północ: Zachód z Wschodem w zespoleniu,
A na południe: nadzieja w zwątpieniu
O złości złych!



II

Więc - mamże oczy zakryć i paść twarzą,
Wołając: "Kopyt niech mię grady zmażą,
Jak pierwo-traw!"

Lub - mamże barki wyrzucać do góry
Za lada gwiazdką ze złotymi pióry -
Za sny nieść jaw?

Więc mamże nie czuć, jaką na wulkanie
Stałem się wyspą, gdzie łez winobranie
I czarnej krwi!...

Lub znać, co ogień z łona mi wypali?
Gdzie spełznie? - odkąd nie postąpi daléj? -
I - zmarszczyć brwi...



III

Gdy ducha z mózgu nie wywikłasz tkanin
Wtedy cię czekam - ja, głupi Słowianin,
Zachodzie - ty!...

A tobie, Wschodzie, znaczę dzień-widzenia,
Gdy już jednego nie będzie sumienia
W ogromni twéj.

Południe! - klaśniesz mi, bo klaszczesz mocy;
A ciebie minę, o głucha Północy,
I wstanę sam.

Braterstwo ludom dam, gdy łzę osuszę,
Bo wiem, co własność ma - co ścierpieć muszę -
Bo już się znam.




LE CHANT DE NOTRE TERRE
traduction de Christophe Jezewski et Dominique-Sila Khan

Et aux horions, l’on verra qui a meilleur droit –
JEANNE D’ARC



– I –

Là où brille la dernière potence,
Là est désormais mon centre, ma capitale,
Là est ma citadelle.

À l’Est – s a g e s s e – d u – m e n s o n g e, obscurité,
Fouet de la discipline, ou traquenard d’or,
Lèpre, venin et fange.

À l’Ouest – m e n s o n g e – d e – l a – s c i e n c e, brillant,
Formalisme du vrai – inessence interne,
Orgueil des orgueils !

Au Nord – l’Ouest et l’Est réunis
Et au Sud, l’ e s p o i r p u i s é d a n s l e d o u t e
E n l a m é c h a n c e t é d e s m é c h a n t s !


– II –

Dois-je me voiler les yeux, me jeter face contre terre
En hurlant : « Que la grêle de sabots m’efface
Comme herbe de printemps ! »

Ou bien tendre les mains vers le ciel,
Vers une étoile aux plumes d’or –
Préférer les rêves à la veille ?

Dois-je donc ignorer que je suis telle une île
Sur un volcan où les vendanges sont de larmes
Et de sang noir...

Ou bien savoir ce que le feu va détruire en mon sein ?
Jusqu’où il va ramper ? – avant de reprendre plus loin ? –
Et – froncer les sourcils...


– III –

Si tu ne démêles pas l’ â m e des tissus du cerveau,
Alors, je t’attends – moi, Slave borné
–Toi – l’Occident !…

Quant à toi, l’Orient, je te donne r e n d e z – v o u s,
Au jour où ne restera plus une seule conscience
Dans ton immensité.

Midi, tu m’applaudiras, tu n’applaudis que la puissance ;
Et toi, Septentrion, je veux t’ignorer,
S e u l je me lèverai.

Je ferai frères les peuples e n s é c h a n t l e u r s l a r m e s,
Car je sais, mon unique b i e n – c’est la souffrance :
J e m e c o n n a i s.





LE CHANT DE NOTRE TERRE
traduction de Roger Legras

Et aux horions, l’on verra qui a meilleur droit –
JEANNE D’ARC



– I –

Où luisent encor les fourches fatales,
C’est mon centre aujourd’hui, ma capitale,
C’est là mon château-fort.

De l’Est viennent nuit, s a g e s s e – i m p o s t u r e,
Lèpre, coups de fouet, venin, pourriture
Et le piège de l’or !

De l’Ouest, fa u x – s a v o i r, creuses bagatelles
Interne néant, vérités formelles,
Vide des vanités

Au Nord, l’Orient au Ponant s’assemble
Au Midi, du m a l d e s m é c h a n t s, l’on semble
P r e n d r e e s p o i r d e d o u t e r !


– II –

Mais dois-je couvrir mes yeux, face basse,
Crier : « Que grêlants sabots sur moi passent
Comme sur un blé vert ? »

Dois-je lever mes bras vers l’Empyrée
Après quelque étoile aux plumes dorées,
Prendre nuit pour jour clair ?

Ne dois-je sentir qu’au flanc d’un cratère
Je devins l’île aux vendanges amères :
Sang noir et pleurs versés ?...

Ou savoir qu’un feu mien me fera cendres ?
Où va-t-il ramper ? – d’ o ù v a – t – i l r e p r e n d r e ?
Et puis – sourcils froncés...


– III –

Quand du cerveau l’ e s p r i t tu ne dépêtres,
Alors, je t’attend – moi, le Slave piètre :
Oui, toi-même – l’Occident !...

Jour d’ un r e n d e z – v o u s, à Toi, l’Est, j’assigne,
Quand de conscience il n’y aura signe
En ton corps de géant.

Tu m’applaudiras, Sud ! – comme puissance ;
Ô, Nord sourd, de toi je passe à distance...
Et s e u l me lèverai.

Des peuples, frère – o u i, s i l e u r s p l e u r s t a r i s s e n t !
Je sais ce qui « vaut » – mes prochains supplices :
Enfin j e m e c o n n a i s.






(+) ... puisque j'y fais allusion, le voila ; un de mes poèmes préférés en langue française, dont je ne ressens absolument aucune honte à avouer que je n'y ai longtemps rien compris et que cela n'a jamais rien enlevé à mon plaisir à le déclamer à voix haute. J'ai fait sur le tard quelques faibles progrès en lisant cette étude ; excellente étude, au demeurant, qui n'aura fait qu'accroître mon plaisir à réciter ce texte ... un peu comme un mantra chatoyant.


Le tombeau de Charles Baudelaire

Le temple enseveli divulgue par la bouche
Sépulcrale d'égout bavant boue et rubis
Abominablement quelque idole Anubis
Tout le museau flambé comme un aboi farouche

Ou que le gaz récent torde la mèche louche
Essuyeuse on le sait des opprobres subis
Il allume hagard un immortel pubis
Dont le vol selon le réverbère découche

Quel feuillage séché dans les cités sans soir
Votif pourra bénir comme elle se rasseoir
Contre le marbre vainement de Baudelaire

Au voile qui la ceint absente avec frissons
Celle son Ombre même un poison tutélaire
Toujours à respirer si nous en périssons.