vendredi 2 avril 2010

Les revenus et le patrimoine des ménages - Insee Références - Édition 2010


Disponible ici, ce rapport porte sur la période 2004-2007.



Encore une belle illustration d'une distribution de Pareto : une augmentation des revenus d'un facteur 3 se traduit grossièrement par une diminution d'un facteur 10 de la distribution cumulée, sur trois ordres de grandeur de la distribution.

Pour ceux que cela intéresse, voir l'interprétation (ici, et aussi WJ Reed et BD Hugues, From gene families and genera to incomes and internet file sizes : Why power laws are so common in nature, Phys rev E 66, 067103, 2002) de ce type de distribution en loi de puissance comme résultant de l'arrêt sur des temps exponentiellement distribués d'un mouvement brownien géométrique (mouvement dont le logarithme des incréments suit un processus de Wiener).

Si l'on veut bien admettre que ce processus peut modéliser l'évolution d'un ensemble de revenus (en gros : à tout instant, l'évolution temporelle d'un revenu comporte un terme déterministe proportionnel au revenu et une variation aléatoire elle aussi proportionnelles au revenu ... mais rien n'impose que les différents revenus aient commencé leur évolution au même moment(*)), à un instant donné, on observe un ensemble de valeurs qui proviennent de marches aléatoires qui ont des "âges" différents, ce que Reed modélise par une distribution exponentielle des temps d'observation. Sous ces hypothèses, la distribution obtenue pour les revenus est effectivement doublement Pareto (donc deux lois de puissance, l'une côté hauts revenus et l'autre côté faibles revenus), ce que semblent confirmer l'observation sur la distribution des revenus américains 2000.

Ces travaux de Reed sont importants car ils fournissent un début d'explication simple et générique à l'apparition récurrente de ces lois de puissance, du moins pour des observations que l'on peut envisager de modéliser via un mouvement brownien géométrique : des observations où l'aléa porte "naturellement" sur l'évolution de la valeur relative et non sur la valeur absolue : par exemple, les augmentations / diminutions de salaire sont souvent proportionnelles au salaire lui-même ... quant à les considérer comme aléatoires, il s'agit d'un jugement sur les politiques de rémunération qu'il ne m'appartient pas de commenter ! Terrain moins glissant, l'évolution de la taille des villes qui grandissent ou diminuent proportionnellement à leur taille en fonction d'événements aléatoires.


(*) ok, ce n'est qu'un modèle mais si vous le trouvez rudimentaire voire totalement éloigné de la réalité, autant le dire tout de suite, c'est aussi ce mouvement brownien géométrique qui est à la base du modèle Black-Scholes qui valut le soi-disant "Nobel d'économie" à Scholes et Merton en 1997 et dont les raffinements dignes de l'angélologie byzantine ont donné naissance aux modèles modernes de la finance quantitative ; cela ne vous rassure pas, je le comprends !

22/11/2010
Un correspondant sarcastique me rappelle que cela n'aurait pas du non plus rassurer les investisseurs de Long Term Capital Managment (LTCM), le fond d'investissement fondé par Myron Scholes lui-même dont l'explosion en vol fin 1998 peut être considérée comme un signe précurseur des explosions en série auxquelles nous assistons actuellement sans en voir la fin.
Je ne résiste pas à citer l'anecdote suivante qui donne une idée du bonhomme :
 "In the 2005 book Fortune’s Formula, William Poundstone recounts a vitriolic reaction from Myron Scholes, the Nobel Prize winner in economics and principal of Long-Term Capital Management (LTCM), which went bust in 1998 and nearly brought down the U. S. monetary system with it. Interrupting Scholes during a roadshow speech promoting LTCM, Andrew Chow, a Conseco derivatives trader, argued, “There aren’t that many opportunities. You can’t make that kind of money in Treasury markets.” Scholes snapped back, “You’re the reason—because of fools like you, we can.” (citée dans The Black Swan de Nassim Nicholas Taleb)





21/09/2010

Pour ceux que cela intéresse, il existe une toute autre interprétation de l'ubiquité des lois de puissance dans les systèmes biologiques ou issus de l'ingénierie (la question des revenus se situe dangereusement à cheval entre ces deux domaines, darwinisme social d'une part, ingénierie sociale de l'autre ; quant à la question encore plus vaste de l'intelligent design ... on la laissera de côté !), celle proposée par Carlson et Doyle sous l'acronyme HOT, pour Highly Optimized Tolerance (J.M. Carlson et John Doyle, Highly Optimized Tolerance : a mechanism for power laws in designed systems, Physical Review E 60:22, 1412-1427 (1999), ici) : l'apparition des lois de puissance est dans ce cas le résultat d'un compromis entre l'optimalité d'une solution et sa robustesse. L'intérêt de cette approche est de prendre le contrepied des approches SOC (pour Self-Organized Criticality) : les lois de puissance ne sont plus la conséquence mécanique d'un point de fonctionnement particulier d'un système idéalisé mais bien la conséquence d'une structure complexe du système. On trouve là un argument fort pour traiter différemment les systèmes physiques "passifs" (comme le tas de sable) qui n'évoluent en rien du tout (si ce n'est sous l'effet de lois physiques immuables) et les systèmes biologiques dont la structure complexe est le résultat d'une évolution dans un milieu changeant, évolution précisément liée au compromis entre optimalité et robustesse.







L'écart se creuse avec les Français les plus riches
De Julie CHARPENTRAT (AFP) – Il y a 4 heures

PARIS — Les inégalités se sont creusées entre Français les plus aisés et le reste de la population entre 2004 et 2007, les familles monoparentales, les ménages d'immigrés et les chômeurs restant très exposés à la pauvreté, relève l'Insee vendredi.

La moyenne des très hauts revenus a augmenté "plus rapidement que (celle) de l'ensemble de la population" contribuant ainsi à creuser les inégalités "par le haut", note l'étude 2010 de l'Insee intitulée "Les revenus et le patrimoine des ménages".

Alors qu'elles ne représentent que 1% de la population, ces personnes à très hauts revenus perçoivent 5,5% des revenus d'activité, 32% des revenus du patrimoine et 48% des revenus exceptionnels déclarés (plus-values, levées d'options).

Et le nombre de personnes riches est en forte augmentation: entre 2004 et 2007, le nombre de personnes dépassant les 100.000 euros de revenus annuels s'est ainsi accru de 28%, et celui dépassant les 500.000 euros de 70%.

Ce qui conduit l'Insee à constater qu'en 2007 le niveau de vie annuel moyen des personnes vivant en France métropolitaine s?est établi à 21.080 euros soit environ 1.760 euros par mois contre 20.750 en 2006 soit 1.730 euros par mois en 2006 (+1,6%).

Ce sont les 50-64 ans qui sont les mieux pourvus, avec près de 25.000 euros annuels.

Le niveau de vie médian (50% des ménages gagnent plus, 50% gagnent moins) était en hausse de 2,1% par rapport à 2006, à 18.170 euros, soit 1.510 euros par mois.

Le "niveau de vie" se calcule en divisant les revenus du ménage par le nombre de personnes qui le compose mais en tenant compte des économies d'échelle induites par la vie en commun (un seul réfrigérateur) et du fait que les enfants consomment moins que les adultes.

Autre signe de creusement des inégalités, les salariés les mieux rémunérés du privé, souvent dirigeants ou financiers, sont payés sept fois plus que la moyenne des salariés à temps complet et ont bénéficié de hausses de salaires "substantielles" de 2002 à 2007, bien supérieures à l'ensemble des salariés.

A l'autre bout du spectre, le taux de pauvreté connaît "une relative stabilité après une longue baisse", a expliqué Jean-Louis Lhéritier, un expert de l'Insee, lors d'une conférence de presse.

En 2007, le seuil de pauvreté correspond à un niveau de vie de 908 euros par mois et concerne 13,4% de la population, soit huit millions de personnes.

Les familles monoparentales, les personnes vivant dans un ménage immigré et les chômeurs restent particulièrement exposés au risque de pauvreté monétaire.

"Plus de 30% des personnes vivant au sein d'une famille monoparentale sont ainsi confrontées à la pauvreté", note l'Insee. Le risque d'être pauvre est 4,7 fois plus élevé si on est au chômage.

Enfin, plus du tiers des personnes appartenant à un ménage immigré vit sous le seuil de pauvreté, selon l'Insee.

Copyright © 2010 AFP. Tous droits réservés.