lundi 31 janvier 2011

Völker der Erde -- Nelly Sachs (1891-1970)



Völker der Erde

ihr, die ihr euch mit der Kraft der unbekannten
Gestirne umwickelt wie Garnrollen,
die ihr näht und wieder auftrennt das Genähte,
die ihr in die Sprachverwirrung steigt
wie in Bienenkörbe,
um im Süßen zu stechen
und gestochen zu werden –

Völker der Erde,
zerstört nicht das Weltall der Worte,
zerschneidet nicht mit den Messern des Hasses
den Laut, der mit dem Atem zugleich geboren wurde.

Völker der Erde,
O daß nicht Einer Tod meine, wenn er Leben sagt –
und nicht Einer Blut, wenn er Wiege spricht –

Völker der Erde,
lasset die Worte an ihrer Quelle,
denn sie sind es, die die Horizonte
in die wahren Himmel rücken können
und mit ihrer abgewandten Seite
wie eine Maske dahinter die Nacht gähnt
die Sterne gebären helfen – 

in Sternverdunklung, 1949


Peuples de la terre

vous qui avec la force des astres inconnus
vous enroulez comme des écheveaux,
vous qui cousez et redéfaites ce qui a été cousu,
vous qui vous élevez dans la confusion des langues
comme dans des ruches
pour piquer
dans l'exquise douceur
et être piqués -

Peuples de la terre,
ne détruisez pas l'univers des paroles,
ne découpez pas avec les couteaux de la haine
le son qui fut enfanté en même temps que le souffle

Peuples de la terre,
Ô que nul ne pense mort quand il dit vie -
et nul ne pense sang quand il prononce berceau -

Peuples de la terre,
laissez les paroles à leur source,
car ce sont elles qui peuvent faire avancer
les horizons dans les vrais ciels
et de leur face cachée,
tel un masque derrière lequel bâille la nuit,
aider à enfanter les étoiles – 

in Nelly Sachs, Éclipse d'étoile 
traduction de Mireille Gansel
Verdier, 1999





Toujours la même surprise de voir rücken traduit par faire avancer, ce qui est strictement correct, au sens étymologique de pousser dans le dos ; je préfèrerais quand même repousser ...


Une page précieuse autour de Nelly Sachs (prix Nobel de littérature 1966 avec Schmuel Agnon), compilation de poèmes dont elle fut la dédicataire ; Celan, Bachmann, Bobrowski, Enzensberger, Domin, Ausländer, Kasack (en allemand).

En français, excellente page de présentation sur le site des éditions Verdier qui publient trois volumes de Nelly Sachs traduits par Mireille Gansel qui a également traduit (chez Belin, 1999) la correspondance entre Nelly Sachs et Paul Celan.

Compte-rendu d'un entretien avec Mireille Gansel, où on trouve ce poème de Peter Huchel, encore un dédié à Nelly Sachs :

Ophélie

(Septembre 1965, dans la nuit les gardes frontières de la RDA
abattent une jeune fille qui tentait de franchir la Spree à gué)
à Nelly Sachs

Plus tard, le matin,
aux premières lueurs blanches
le bruit des bottes qui pataugent
dans la vase des eaux,
le heurt des perches que l’on pousse,
un ordre rauque,
ils soulèvent la boueuse
nasse de barbelés.

Pas de royaume,
Ophélie,
où un cri,
creuse l’eau,
où par magie
la balle
contre la feuille de saule
vole en éclats.