Powróciwszy do domu od Sekwany strony,
Mickiewicz się rozebrał z splamionej czamary
I położył na łóżku. Nie był jeszcze stary,
Lecz bardzo wiele cierpiał i był już zmęczony.
I oto ledwo zasnął a w tej samej chwili
Zobaczył starą ławkę nad srebrnym jeziorem
I w sukni, którą miała pamiętnym wieczorem,
W lekkiej woni akacji spłynął cień Maryli.
Jej wargi wyszeptały: "Nasza miłość - cmentarz,
Między nami jest morze rozlane ogromnie,
I za dnia tylko bitwy i wodzów pamiętasz,
Lecz kiedy zamkniesz oczy, zawsze myślisz o mnie".
Mickiewicz fatigué
Mickiewicz, revenu chez lui des bords de Seine,
Sa simarre tachée ôta, pour se coucher ;
Non point que de vieillesse il fût déjà touché :
Il était fatigué par de très grandes peines.
Mais, tout juste endormi, voici qu'il a songé :
Il revoit le vieux banc près des eaux argentées ;
Une ombre, en un parfum d'acacia léger,
Glisse dans cette robe au fameux soir portée ...
Maryla souffle : "Un cimetière est notre amour
Et s'étale entre nous comme une mer immense ;
Si des chefs, des combats, il te souvient, le jour,
Lorsque tu clos les yeux, sans cesse à moi tu penses."
(in Jan Lechoń, Cramoisi, argent et noir,
choix, traduction et présentation par Roger Legras,
Orphée / La Différence)
Notes de Roger Legras sur ce poème :
V1 : "des bords de Seine" -- pour se rendre ... rue de Seine où Mickiewicz écrivit Pan Tadeusz, roman en vers évoquant "chefs et combats" !
V2 : "Sa simarre ..." -- antique vêtement polonais encore porté à l'époque de Mickiewicz.
V3 : "Maryla ..." -- c'est, bien sûr, Maryla Wereszczakówna, le premier et grand amour de jeunesse d'Adam Mickiewicz.
L’œuvre
de Jan Lechoń comporte une série d'autoportraits du poète en exil à
travers les figures de ses grands devanciers, Mickiewicz ou Norwid.
C'est un filon particulier dans la sensibilité que les Français peinent
un peu à reconnaître à sa juste valeur (quand ils ne le confondent pas
sommairement avec les vulgaires mais inépuisables filons du nationalisme
ou de la mièvrerie) dans les littératures des "petits peuples"
ballottés par l'histoire.
Quant à Mickiewicz, il est toujours à Paris, près de la place de l'Alma (statue de Bourdelle) :
A propos d'exil et d'émigration, de bilinguisme et de traduction, passez lire
l'entretien avec Luba Jurgenson sur Slavica Bruxellensia (le titre fait un peu peur mais cette revue met en ligne de vrais trésors). Un petit extrait :
Si je voulais trouver une formule simple, je dirais qu’il y a une langue
sujet et une langue objet. Le français, la langue dans laquelle
j’écris, vers laquelle je traduis est la langue dans laquelle je suis
active. Et le russe, la langue dont je traduis, sur laquelle je
réfléchis. Le russe est la langue de l’enfance, et d’une certaine
manière, dans cette langue j’aurai toujours dix-sept ans. Je ne l’ai pas
travaillée dans l’écriture, c’est pourquoi, il y a un clivage entre
l’oral et l’écrit. Je peux faire cours en russe, écrire un article, mais
je ne peux pas écrire un texte littéraire, ou bien seulement des
bribes, des fragments, surtout poétiques, peut-être parce que je
régresse alors vers cet âge où tout le monde écrit des poèmes. Les
Russes qui me connaissent ont beaucoup de mal à me croire quand je
raconte cela, car à l’oral, cette incapacité ne se perçoit pas. En
réalité, les choses sont plus complexes. Mon russe nourrit mon français –
il y vit clandestinement tout comme les références à la littérature
russe. Ce qui serait perçu comme une dépendance à l’égard des auteurs
qui m’ont marquée ne l’est plus dans la mesure où j’écris en français.
Je n’ai pas eu à me débarrasser des influences, problème de tous les
jeunes auteurs, je les ai cultivées « à la barbe » de tous. Le
bilinguisme a changé le rapport à ce qui est caché, à ce que l’on fait
circuler en contrebande dans un texte littéraire. Je suis extrêmement
attentive à cette dimension de la littérature, aux cryptages, aux
polyphonies, à l’intertextualité, ce qui a déterminé en grande partie
les axes de ma recherche. Ce n’est pas un hasard si je travaille sur les
silences, les non-dits, les contenus cachés des textes. Le bilinguisme
permet aussi de s’observer, d’investir la relation sujet-objet comme une
relation à soi.
La traduction est devenue possible à partir du
moment où j’ai eu envie que le français devienne ma langue – on ne
traduit que vers sa langue. Mais cette position particulière de
traductrice a sans doute influé sur ma façon de travailler. Je suis
préoccupée, peut-être davantage que mes collègues français de naissance,
par la fluidité du texte, je cherche toujours à ce qu’il donne
l’impression d’être écrit en français, cet impératif prime dans mes
choix. Cela dit, en traduisant, je me mets au service du texte, je fais
de moi un réceptacle pour le texte d’autrui. Je ne relis pas mes
traductions une fois qu’elles sont publiées, sauf quand j’ai l’occasion
de les reprendre pour une nouvelle édition, mais j’imagine que ma façon
de traduire évolue aussi, change, se travaille. Il y a un bonheur à se
laisser traverser par des textes, à vivre le travail de la traduction
comme une expérience presque physique, c’est une activité beaucoup moins
autoréflexive que celle de l’écriture ou de la recherche. Je ne me
demande pas trop « où j’en suis » quand je traduis, pas plus qu’un ver à
soie ne se demande ce qu’il est en train de faire (que les vers à soie
me corrigent si je me trompe). De manière générale, le bilinguisme est
aussi une expérience physique, qui s’inscrit dans le corps, et donc,
sujette au changement.