mardi 29 novembre 2011

The fall of Rome -- W. H. Auden



for Cyril Connolly.
 
The piers are pummelled by the waves;
In a lonely field the rain
Lashes an abandoned train;
Outlaws fill the mountain caves.

Fantastic grow the evening gowns;
Agents of the Fisc pursue
Absconding tax-defaulters through
The sewers of provincial towns.

Private rites of magic send
The temple prostitutes to sleep;
All the literati keep
An imaginary friend.

Cerebrotonic Cato may
Extol the Ancient Disciplines,
But the muscle-bound Marines
Mutiny for food and pay.

Caesar's double-bed is warm
As an unimportant clerk
Writes I DO NOT LIKE MY WORK
On a pink official form.

Unendowed with wealth or pity,
Little birds with scarlet legs,
Sitting on their speckled eggs,
Eye each flu-infected city.

Altogether elsewhere, vast
Herds of reindeer move across
Miles and miles of golden moss,
Silently and very fast.
 
in Another time,
Random House,
1940




La chute de Rome

pour Cyril Connolly.


Les quais sont battus par les vagues ;
Dans un champ désolé, la pluie
Fouaille un train à l'abandon ;
Les proscrits remplissent les grottes des montagnes.

Les robes du soir deviennent fantastiques ;
Les agents du fisc poursuivent
Les fraudeurs en fuite à travers
Les égouts des villes de province.

Des rites magiques secrets
Envoient dormir les prostituées du templs ;
Les literati entretiennent
Tous un imaginaire ami.

Caton le Cérébrotonique peut bien
Prôner l'Antique Discipline
Les fusiliers marins musclés
Se mutinent pour la solde et la tambouille.

Le grand lit de César est tiède
Tandis qu'un petit employé
Écrit JE N'AIME PAS MON TRAVAIL
Sur un papier rose officiel.

Nés sans argent et sans pitié,
Des oiseaux à patte écarlate,
Assis sur leurs œufs tachetés,
Regardent les villes grippées.

Ailleurs, très loin de là, de vastes
Troupeaux de rennes parcourent
Des lieues de mousse dorée,
Silencieux, à toute allure.

W. H. Auden, Poésies Choisies
traduction de Jean Lambert
Poésies / Gallimard




à Mario Monti ...


Comme Auden le souligne avec perspicacité strophe après strophe, quand le poisson du proverbe a les proportions d'un Empire agonisant, c'est par tous les côtés simultanément qu'il pourrit, et pas seulement ou d'abord par la tête. S'en souvenir, même si la tête en l'occurrence peut sembler saturer l'espace médiatique.