Intéressant : David Meadows (le Meadows du "rapport Meadows") sur le thème "Peak everything !".
Après tout, même en matière de catastrophe, mieux vaut écouter les anciens !
Le refrain malthusien revient en vogue aujourd'hui ; les projections de Meadows et les travaux de bien d'autres (Lebeau par exemple) y sont clairement pour quelque chose mais je crois qu'il faut bien distinguer une autre source, nettement moins glorieuse, derrière ce retour en grâce du pasteur indigne : le vaudou de la croissance avait un énorme avantage (du point de vue utilitariste, du moins), repousser sine die la question de l'équité, à condition que s'améliore le sort des moins favorisés, ce dont ceux qui n'en étaient pas se laissaient facilement convaincre. Que cesse la croissance et la question de l'équité redeviendra centrale or les écarts de répartition sont tels que son retour ne se fera pas dans la douceur.
C'est cette sensation encore diffuse qui explique en grande partie les ralliements à Malthus : le gâteau ne grandira plus, moins on sera à le partager, mieux cela vaudra. L'impensé de cela, c'est "si toute l'humanité veut vivre comme nous, effectivement, nous allons dans le mur, alors, ce serait raisonnable qu'il y ait moins de gens, histoire qu'à différentiel de répartition constant, nous puissions continuer à vivre comme nous vivons actuellement". Car bien sûr, réduire la population, ce n'est pas diminuer de moitié le nombre d'Occidentaux, par exemple. Non, ce sont évidemment les Indiens, les Chinois, les Africains, bref, les autres, qui menacent notre équilibre par leur démographie.
L'idée que notre modèle de développement doit changer pour permettre une convergence équitable des ressources sur la planète (ce qui évidemment entraine, en moyenne, une baisse importante de l'usage de ces ressources en Occident) et que ce n'est qu'à ce prix que les arguments malthusiens pourront être examinés pacifiquement (car il n'y a là rien de grotesque ; la question est de savoir effectivement quel niveau de population est soutenable mais cette question est indissociable de la pression exercée sur les ressources par cette population), cette idée ne veut pas passer.
"Notre croissance ou leur mort !"
Pour ce qui de la différence des taux de fécondité à travers le globe, bien sûr, elle paraît clairement corrélée à l'éducation des filles, comme cela est souvent rappelé ; certes. Remarquons en passant qu'il ne devrait pas y avoir besoin de ce type d'argument pour justifier l'accès de tou(te)s à l'éducation.
Cette différence est également corrélée au fait que dans certains pays, la population a simplement les moyens de faire peu d'enfants voire de s'en passer totalement sans (trop) craindre pour ses vieux jours. Que cette sécurité quant à l'avenir matériel soit aussi corrélée à l'éducation semble naturel ; le sens des relations de causalité demeure néanmoins à établir.
Il m'a toujours paru curieux qu'on insiste tant sur l'éducation et si peu sur les conditions économiques. Comme si on ne souhaitait pas vraiment analyser les relations de causalité. "L'homme ne vit pas que de pain" est une excellente formulation.
Dernier point : la prévision de l'évolution de la population mondiale demande peut-être des traitements un peu plus rigoureux que ceux de Meadows ; ou du moins quelques précautions de langage supplémentaires. On trouve pas mal d'études qui exposent les difficultés de ce type d'exercice (voir par exemple la présentation didactique de l'INED).
Pour quelques informations relatives au contrôle des naissances à l'échelle mondiale, voir "La biopolitique à l’épreuve de la croissance démographique mondiale", recension de l'ouvrage de Matthew Connelly, "Fatal Misconception: The Struggle to Control World Population", Harvard University Press, 2008.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire