mercredi 14 septembre 2011

De la rigueur de la science -- Jorge Luis Borgès





... En cet Empire, l'Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d'une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l'Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges Cartographiques levèrent une Carte de l'Empire, qui avait le Format de l'Empire et qui coïncidait avec lui, point par point.Moins passionnées pour l'Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, l'abandonnèrent à l'Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l'Ouest, subsistent des Ruines très abimées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n'y a plus d'autres traces des Disciplines Géographiques.

(Suarez Miranda,
Viajes de Varones Prudentes,
Lib. IV, Cap. XIV, Lérida, 1658.)


Cité par Jorge Luis Borgès en final de son Histoire universelle de l'infamie (Histoire de l'infamie Histoire de l'éternité, traduit par Roger Caillois et Laure Guille chez 10/18).

Enfin, "cité" ... au sens très particulier que peut revêtir la citation borgesienne des sources, sens mis en lumière sur une "étude de cas" (le cas Hakim de Merv, ce cousin du Roi au masque d'or de Marcel Schwob - première nouvelle du recueil éponyme chez Ombres, 1991) par Roger Caillois en appendice et résumé ainsi : 

Je ne veux pas préjuger des conclusions qu'une enquête plus étendue et plus approfondie pourra justifier. J'ai seulement désiré fournir des exemples au lecteur curieux de mesurer la part de la tradition dans l'œuvre de Borgès et celle de son apport personnel. On voit que ce dernier peut être considérable : presque total.


Voir ici pour un commentaire.