Cet article paru en Décembre 2006 dans Le Monde diplomatique est repris dans L'art d'ignorer les pauvres (aux éditions Les liens qui libèrent / Le Monde diplomatique) avec deux autres textes, celui de John Kenneth Galbraith qui donne son titre au livre et une version pas tout à fait intégrale de la Modeste proposition sur les enfants pauvres d'Irlande de Jonathan Swift, qui date, la version intégrale, de 1729.
Ceux qui n'ont jamais lu un rapport de l'OCDE (dont tout le monde entend forcément parler sous la forme de "recommandations du rapport de l'OCDE") ne peuvent pas se douter du ton de guerre sociale qui y règne ; loin de toutes les litotes et dorures de pilule que resservent même les journaux les plus en vue quand il s'agit de ces rapports, l'OCDE a un mérite au milieu de l'océan de turpitude où elle macère, elle appelle un chat, un chat. Bien sûr, ce genre de lecture n'a rien d'affriolant.
C'est pourquoi il faut se précipiter sur ce petit livre et sur la contribution de Laurent Cordonnier qui, dans la veine de son Pas de pitié pour les gueux se livre à une analyse du rapport Perspectives pour l'emploi de l'OCDE (2006).
(source)
Deux extraits seulement (les citations du rapport sont en italique) :
Comment, se demande alors l'organisation, faire accepter des réformes du marché du travail qui seraient dans l'intérêt des salariés et des chômeurs mais dont ils ne veulent pas ? Les recommandations aux gouvernements des peuples tumultueux sont soulignées en gras et en italique dans le rapport : il faut procéder à des "réformes partielles : réformer à la marge pour mettre en œuvre des changements de politique ultérieurs plus profonds". L'offensive doit donc passer par les ailes, et saper les contreforts les plus fragiles du salariat, en réservant pour un second assaut le "noyau dur" : "pour éviter les conflits avec les principaux groupes d'intérêt, les gouvernements peuvent, dans un premier temps, introduire des réformes à la marge du "noyau dur" du marché du travail, sans véritablement toucher aux structures institutionnelles dont bénéficient les travailleurs en place. Cela tend à renforcer la dualité du marché du travail, ce qui peut ensuite permettre de gagner progressivement le soutien de l'opinion publique à des réformes plus fondamentales des institutions et politiques du marché du travail."
(...)
Le rationnel est l'ami du bien : "Les réformes structurelles, qui commence par générer des coûts avant de produire des avantages, peuvent se heurter à une opposition politique moindre si le poids du changement politique est supporté dans un premier temps par les chômeurs. En effet, ces derniers sont moins susceptibles que les employeurs ou les salariés en place de constituer une majorité politique capable de bloquer la réforme, dans la mesure où ils sont moins nombreux et souvent moins organisés." Les travaux de l'OCDE coûtent très cher aux contribuables, mais ils sont francs.
(source)
Notons enfin que Laurent Cordonnier sait lui aussi appeler un chat, un chat : les inspirateurs et rédacteurs de ces rapports, nous prévient-il, sont en majorité écrasante des gens intelligents qui ont délibérément choisi la guerre sociale car elle leur apporte les avantages qu'ils pensent leur être naturellement dus ; bref, ils ne sont pas bêtes, ils sont simplement méchants, au point d'en être nuisibles.