samedi 17 septembre 2011

Ovis œconomica



Le bon pasteur
(mosaïque du mausolée de Galla Placidia, Ravenne)



C'est officiel, il n'y a qu'à lire, écouter, regarder : Homo œconomicus n'était qu'un vil imposteur et nos chiens de garde l'ont enfin "confusément" reconnu. Dissimulant ses traits bestiaux sous les dehors (guère plus engageants ... mais ceci n'engage que moi) d'un puissant simulateur résolvant en temps réel des problèmes d'intégration (dans des espaces où les mathématiciens, un peu frileux sans doute, ne placent pas de mesures), le (+) voici enfin démasqué, Ovis œconomica.

(+) Bon, Ovis est du genre féminin, d'accord, arrêtez de crier. N'empêche, je ne vais pas me laisser aller à  écrire "la voici démasquée" quand même !

Et de tourner en boucle les expressions toutes faites "envie de gagner contre peur de perdre", "comportement moutonnier", "panurgisme" ...

Pour ceux qui croiraient que ce subit accès de behaviorisme à bas prix, cette overdose de psychologie de comptoir indiqueraient une prise de conscience des limites des modèles néo-classiques, il faudra déchanter : Ovis œconomica paît dans les strictes limites de l'individualisme méthodologique, où s'épanouit aussi Homo œconomicus. Il est simplement beaucoup moins doué pour les simulations MCMC. 

D'ailleurs, cette découverte nous prépare une troisième étape, celle qui adorera les vainqueurs (eux sont de vrais Homini œconomici) et méprisera les vaincus (qui n'ont que ce que mérite ce pur crétin d'Ovis œconomica). Que la pastorale économique ait des airs de jeu de Stackelberg  (*) n'étonne déjà plus personne ... il ne reste qu'à admettre que le "bon" pasteur n'était qu'un rêve.

(*) Dans le jeu de Stackelberg, le "leader", ayant connaissance des fonctions d'utilité des autres joueurs qui jouent de façon non coopérative, manœuvre de façon à établir le meilleur équilibre de Pareto possible entre les autres joueurs, compte tenu que la somme de ses ressources et de celle des autres joueurs est fixe ; le leader manœuvre donc de façon à faire "comme si" les joueurs coopéraient : rien de plus idylliquement "pastoral" ! 
En réalité, on il s'agit plutôt d'une version perverse du jeu de Stackelberg : deux jeux non coopératifs hiérarchiques couplés où les actions du jeu supérieur (entre Homini œconomici) visent à établir le pire équilibre de Nash au niveau inférieur (entre Oves œconomicae) en déformant (dans certaines limites) les fonctions d'utilité des Oves. Pastoral, certes, mais comme le loup guidant les brebis !

Toujours rien sur "ce" qui fait agir de façon moutonnière, sur "ce" qui fait calculer ; pour justifier ces comportements, on se retranche derrière une nature humaine mais la situation tourne au cocasse car cette nature peut difficilement passer en quelques années de l'optimisation forcenée au suivisme le plus benêt !

Sur ce sujet, on peut relire La crise, Keynes et les "esprits animaux", un entretien entre Frédéric Lordon et Yves Citton ; c'était dans dans la Revue des livres et des idées mais je ne retrouve plus la référence.
Je ne le trouve plus en ligne mais l'entretien est repris dans Penser à gauche ; extrait :

Pour ce qui est des justes récriminations contre mon usage immodéré de la photocopieuse, voir ici, merci.