vendredi 24 septembre 2010

Exister, suivi de Territoires -- Jean Follain (1903-1971)

 
Henri Thomas conclut ainsi son excellente préface à ce volume (Poésie/Gallimard) :

Refuser l'illusion lyrique, vaincre par le langage commun l'angoisse de l'homme sans assise dans la durée, tel est le dessein de Jean Follain. En donner une formule abstraite, c'est vouloir séparer le corps et l'âme, c'est perdre le poème -- en tous cas lui ôter sa pure valeur d'allusion, sa légèreté, son inflexion unique. Il est lui-même objet, à la fois ouvert et secret, semblable au monde de l'enfance qui fut à la fois fabuleuse et dérisoire, et dont Follain écrit : "Combien il était difficile de serrer de près les choses ! La matière passait de la joie diffuse à une sorte de tendresse sourde ... Tout durait et restait peuplé d'attente."


Joseph Turner (1842)
Tate Collection, Londres





Evènements

Il est un temps où l'eau s'agite
puis elle stagne
et la guerre vient
sont exempts de tout murmure
les lichens sur les pierres
mais point la prêle et la cigüe
bercées par un vent tempéré
couper une tige
au fond d'un pré lisse au soir
devient alors une réussite de la vie
un homme embrassant une fille
survit dans un jardin transfiguré.



Ecoutez comme "survit", au dernier vers, résonne, distord l'ensemble du poème, le transperce et relance la lecture pour remettre au premier plan ce troisième vers dont le reste du poème tentait d'amoindrir le caractère lugubre.