samedi 18 septembre 2010

Tuta Blu -- Tommaso di Ciaula




C'était pour moi l'auteur d'un seul livre, mais quel livre !,
Tuta Blu, paru en 1978 (Feltrinelli) et traduit (une co-édition Federop et Actes Sud) en 1982 par Jean Guichard. A placer à côté de Sortie d'usine de François Bon ou (encore mieux, selon moi) de L'excès-L'usine de Leslie Kaplan. Un livre écrit non pas sur l'usine mais après l'usine, le soir, qui mêle des souvenirs d'enfance rurale dans les Pouilles aux frustrations du présent.

Maintenant dans la zone où habitaient mes grands-parents, il n'existe ni maison ni sentier. A portée de fusil, il y a une zone résidentielle avec des appartements de 22 millions qui ne sont foutre pas beaux car ils ressemblent à des prisons. Tu ne peux pas y planter un arbre, tu ne peux même pas y élever une fourmi, tu ne peux pas y chier en paix parce qu'il y a toujours quelqu'un qui frappe à la porte des toilettes. Tu ne peux pas y faire un somme en paix, un de ces sommes calmes et profonds d'autrefois dans le silence des champs, parce qu'il y a toujours quelqu'un qui te casse les couilles au-dessus, au-dessous, à droite, à gauche. Le plus beau est que ceux qui y habitent se considèrent comme des riches, parce que, disent-ils, ce sont des appartements de riches. Je pense à ma tante Adeline, qui a un jardin grand comme un mouchoir de poche et qui élève une chèvre et quelques poules, les voisins la tourmentent parce que pour eux, si elle ne tue pas sa chèvre et ses poules, elle n'est pas une dame, et plus personne ne la regardera en face.

Maintenant que j'y repense, le sentier qui passait devant chez mes grands-parents était un raccourci qui venait en serpentant du lieu-dit Cornole di Ruccia. Il passait presque devant la portail, longeait l'aire et se terminait derrière l'école primaire, presqu'au centre de Modugno. De temps en temps, il y passait quelqu'un : le vieux avec son fagot sur l'épaules ; la petite vieille aux herbes, deux chasseurs, une espèce de fou qui allait toujours pieds nus hiver comme été. Ils s'arrêtaient tous chez mes grands parents, s'asseyaient sur le banc de pierre et, l'été, ils profitaient de la fraîcheur de la pergola et de la pierre.

Puis, une page plus loin :

Je suis enfermé dans ma réserve. Douze mètres carrés. Trois par quatre. Ma machine. Mon casier. Ma tablette. Mon socle. Mes copeaux. Mes jurons. Je suis comme un chien enragé. Dès qu'une "ombre blanche" s'approche, je gronde. Je veux qu'on me fiche la paix. C'est moi qui fais tout, c'est moi qui décide. C'est un plaisir immense de décider tout seul quand, combien, et comment travailler. Travailler, s'asseoir, se lever, choisir la cadence et comment travailler (euxdisentnousachetonsetvendonsdesmatièrespremièresetpasnousmoijedisjeneveuxpasentendreparlerdevoscombines), s'asseoir, se gratter, corriger les schémas techniques quand ils sont faux ...







J'avais quand même fini il y a quelques années par mettre la main sur L'odore della pioggia (Laterza, 1980) ; à vrai dire seule ma paresse me séparait de ce volume de poésie qui n'a pas été traduit à ma connaissance.



Non ci sono piu' canzoni

I miei compagni mi aspettano.
Ad ogni bivio del paese.
I sogni prendono forma.
Monto un cavallo di cartone.
Culmina nel rosso la strada,
Dove spunterà il giorno un gallo
Terribile con una corona di spine
Gli artigli di falco.
Mi si attorciglia alla gola la notte !

Non ci sono più canzoni da cantare
Compagni,
Né dischi da suonare
Sul grammofono della notte.




Il n'y a plus de chansons

Mes camarades m’attendent
à tous les carrefours du pays.
Les rêves prennent forme.
Je monte un cheval de carton.
La route monte vers le rouge,
où poindra le jour, un coq
terrible couronné d’épines
aux griffes de faucon.
La nuit me prend à ma gorge !

Il n’y a plus de chansons à chanter
Camarades,
Ni de disques à écouter
Sur le gramophone de la nuit.



Et puis voici que Tommaso di Ciaula fait surface sur You Tube ! Alors, si vous saisissez l'italien, n'hésitez pas (ici, par exemple).