Autant le dire d'entrée, Don Delillo ne m'a jamais vraiment intéressé. Mais pas au point de ne pas consacrer quelques heures d'attente dans un aéroport à Omega point, son nouveau roman.
Surprise, cela commence bien ; vraiment très bien, avec une analyse très poussée et très fine du sentiment qu'on pouvait éprouver devant l'installation 24 hour Psycho de Douglas Gordon (qu'on avait pu voir à Paris en 2000 au Musée d'Art Moderne), une version (sans bande-son, et pour cause) du film d'Hitchcock projetée à l'extrême lenteur de 2 images/s ; du moins pour ceux qui voulaient bien s'arrêter pour ressentir ce qui résultait de cette quasi-immobilisation du temps du film, pour analyser les modifications que ce mouvement arrêté produisait sur nos perceptions. Ce premier chapitre est ce que j'ai lu de plus pénétrant en matière de critique au sujet de cette installation.
Après ... hé bien après, le Don Delillo romancier reprend le dessus, illustre lourdement ce qu'il avait si finement analysé au premier chapitre, pontifie à loisir (on est bien peu de choses quand le destin frappe à la porte etc), le tout au milieu de quelques remarques certes justes mais un peu éculées sur le temps et le désert. Ha oui, il y a bien sûr un neocon en rupture de Pentagone, des considérations sur la guerre comme haïku et tutti quanti. Business as usual ! Ou, pour citer cette quatrième de couverture en forme de pavé de l'ours : Plus énigmatique que n'importe quel secret-défense, plus assourdissant que le fracas des guerres, ce roman en forme d'arrêt sur image édicte la sidération du signe face à la langue impitoyablement étrangère que, depuis les origines, profère la matière qui donne forme à l'univers. Du lourd, baby ...
Que cela ne vous empêche surtout pas de lire ce premier chapitre ! C'est de la très grande critique. Pourquoi Don Delillo n'en écrit-il pas plus souvent ?
(traduit par Marianne Véron, aux éditions Actes Sud)