mercredi 21 octobre 2009

After great pain, a formal feeling comes -- Emily Dickinson


After great pain, a formal feeling comes –
The Nerves sit ceremonious, like Tombs –
The stiff Heart questions was it He, that bore,
And Yesterday, or Centuries before ?

The Feet, mechanical, go round –
of Ground, or Air, or Ought –
A Wooden way
Regardless grown,
A Quartz contentment, like a stone –

This is the Hour of Lead –
Remembered, if outlived,
As Freezing persons, recollect the Snow –
First – Chill – then Stupor – then the letting go –




A une grande douleur, succède un calme solennel –
Les Nerfs ont un air compassé, de Tombes –
Le cœur gourd se demande si c’est Lui, qui a souffert,
Et si c’était il y a des Siècles, ou Hier ?

Les Pieds, en automates, vont –
Rigide ronde –
Au Sol, à l’Air, à Tout
désormais Inattentifs,
Un contentement de Quartz, de caillou –

C’est l’Heure de Plomb
Y survit-on, on s’en souvient
Comme des gens en proie au Gel, se rappellent la Neige –
D’abord – un Frisson – puis la Torpeur – puis l’abandon – (341)

(traduction par Claire Malroux in Emily Dickinson, Une âme en incandescence, José Corti)


Traduire Emily Dickinson tient de la gageure. Bien sûr, ce n'est jamais cela. Jamais. Et pourtant, chapeau bas aux traducteurs qui osent s'aventurer dans ce territoire pour rapporter aux non-anglophones ce qu'ils ont su y recueillir. Je sais trop la facilité qu'il y a à ne pas fixer une traduction au prétexte que ce ne serait pas encore cela !


D'autres traductions, fort différentes, d'Emily Dickinson en français, ici. Et aussi, excusez du peu, Wallace Stevens (tous les "Collected poems", plus quelques autres !), Elizabeth Bishop et Walt Whitman ("Leaves of grass").




"Traduire, c'est trahir" ne m'a jamais beaucoup plu; un temps, j'ai préféré "traduire, c'est apprendre à trahir". Aujourd'hui, je me contente de croire que, comme la mort est inévitablement à l'horizon de toute vie, la trahison aussi est inévitablement à l'horizon de toute traduction.
De même que le déni de la mort mutile la vie, c'est l'acceptation de la trahison, de son risque et de son caractère inévitable, qui permet à la traduction de prendre son véritable envol.


Et pour qui voudrait accéder aux poèmes complets d'Emily Dickinson, voir le projet Gutenberg. Tout simplement.


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