I
La mer avait le goût du vin
le vin la saveur de la mer.
Là se dressait notre demeure
et nous errions au gré des rues.
Je parle dans le noir, ma voix
s'est obscurcie, nous nous sommes dissous.
Le coeur de notre ville
abrite notre absence.
II
A l'origine fut la pierre.
puis il y eut toutes les autres pierres.
Nous avions un toit, nous
n'en avons plus.
L'aube était lumineuse,
profuse la lumière.
t'en souviens-tu ?
- si oui,
bonjour...
III
J'aimerais du pain et de l'eau,
ne cherche pas à me séduire avec du sucre,
les mots sont vides, chaque mot
recèle la mort.
Paroles de vaincus,
paroles porteuses de mort. J'ai vu
le soleil et je murmure : il fait froid.
Il fait froid, oui, sous le soleil absent.
IV
Partout des pierres,
rien que des pierres - mais
pour moi tout se nomme désert.
Sous le désert,
sous les pierres forniquent
cendre et lumière.
Pour franchir la Mer Rouge,
nul besoin de navire
- mais sans la mer...
V
La houille est noire comme
la perle. et revoici sans retour le printemps,
les hirondelles fulgurantes
lacèrent le ciel bleu.
Le navire s'est ensablé.
la voilure s'est enflammée.
feu vorace, feu sans retour.
La houille est noire comme
la perle.
VI
Je parle, je me tais.
Il fait lourd, il fait chaud.
Il pleut à verse, il ne pleut plus.
Une lourde chaleur comble les intervalles.
Je parle, je me tais.
Et ce sont encore et toujours les pierres.
VII
Ombre et lumière emplissent l'étendue.
Nul ne sait le nombre des ruches.
Le miel est sombre parce qu'il est dense,
les abeilles sont translucides, toutes bleues.
C'est le silence éternel de midi,
puis les ténèbres, la nuit close,
puis l'aurore, l'ouverture du jour,
et de nouveau le bleu transparent des abeilles.
VIII
J'apporterai des pierres,
j'en emplirai ma chambre.
Rien qu'un peu de réalité
dans ce chaos hurlant.
(traduction de Vahe Godel disponible sur l'excellent site de la Maison de la Poésie de Namur)
Pour entendre un peu (trop peu ...) d'arménien et en particulier Marine Petrossian, ici (rubrique "écouter", à partir de 03:44 pour Marine Petrossian).
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