samedi 21 août 2010

Edison -- Vítězslav Nezval (1900-1958)


Puisque Vítězslav Nezval est passé par la page précédente, la version bilingue (traduction de François Kérel) d'un de ses poèmes les plus célèbres, Edison (in Poèmes à la nuit, 1927) est ici.


La cinquième et dernière partie :

Naše životy jsou těšivé jak smích
jednou v noci sedě nad kupou svých knih
uviděl jsem náhle v pachu novin tona
sníh a velkou podobiznu Edisona
bylo po půlnoci v pozdním únoru
zastihl jsem sama s sebou v hovoru
jako bych se býval opil silným vínem
hovořil jsem se svým nepřítomným stínem

Jako refrén zněl tu stále jeden tón
šel jsem po špičkách až k dveřím na balkón
přede mnou se chvělo moře světel v dáli
pod ním lidé ve svých lůžkách dávno spali
avšak noc se chvěla jako prérie
pod údery hvězdné artilérie
naslouchal jsem mlčky odbíjení z věží
pozoruje stíny v dálce na nábřeží
stíny sebevrahů pro něž není lék
stíny starých pouličních nevěstek
stíny aut jež porážely stíny pěší
stíny chudáků jež bloudí bez přístřeší
stíny hrbatých na rohu ulice
stíny plné rudých vředů příjice
stíny zabitých jež budou bloudit navždy
kolem stínů svědomí a stínů vraždy
zakuklené stíny v šatech vojáků
stíny láskou přemožených pijáků
stíny světců kteří básníky se stali
stíny těch kdož vždycky marně milovali
lkavé stíny meteorů padlých žen
křehké stíny cizoložných princezen

bylo tu však něco krásného co drtí
zapomnění na stesk života i smrti

Buďte krásná buďte smutná dobrou noc
zářivější meteorů jejichž moc
poznali jsme kdysi v parných nocích světel
reflektory stínů zbavené jak metel
jež nás šlehaly až k horké závrati
na shledanou signály jež nad tratí
lákáte mne do dálek jak dusné růže
na shledanou hvězdy polibky mé duše
otevírající mi lázně v zahradách
temné balzámy a hřebíčkový pach
jízdy na světelných křídlech avionů
na shledanou kruté slasti Edisonů
zdroje studnic naft vy slavné rakety
šlechticové země bez etikety
na shledanou hvězdy padající z věží
na shledanou stíny v dálce na nábřeží
stíny času na nějž není lék
sladké stíny stíny snů a vzpomínek
stíny modra nebe v očích krásné ženy
stíny stínů hvězd v zrcadle vodní pěny
stíny citů jež jsou dosud beze jména
stíny prchavé jak noční ozvěna
stíny bledé opalizující pleti
stíny dechu dosud nezrozených dětí
stíny matek modlících se za syny
stíny přeludů po městech ciziny
stíny rozkoší jež ruší spánek vdově
stíny přeludů a touhy po domově

Buďte krásná buďte krutá dobrý den
krasší meteorů slz a přísah žen
lásko s níž jsme stáli na vrcholku hory
sbírajíce hnízda hvězd a meteory
na shledanou krasší snů a bludiček
už zas natáhnout si na noc budíček
pohleď příteli co lidí klidně žije
ne to není práce to je poezie

Už zas trhat ve snách bledé lilie
už zas jíti do kavárny Slavie
už zas srkat každodenní černou kávu
už zas míti stesk a nachýlenou hlavu
už zas nespát už zas nemít záruky
už zas pálit vše co přijde do ruky
už zas slyšet tóny tlumeného pláče
už zas mít svůj stín hazardního hráče

Naše životy jsou jako noc a den
na shledanou hvězdy ptáci ústa žen
na shledanou smrti pod kvetoucím hlohem
na shledanou sbohem na shledanou sbohem
na shledanou dobrou noc a dobrý den
dobrou noc
sladký sen





Nos vies sont consolantes comme un rire
J'étais à mon bureau et j'essayais de lire
Soudain je vis dans l'encre noire des colonnes
La neige et une grande photo d'Edison
C'était passé minuit à la fin février
Je me parlais à moi-même comme un homme en train de prier
Avais-je bu qui sait une liqueur saoulante
Ainsi je dialoguais avec mon ombre absente

Comme refrain tintait toujours le même son
J'allais à pas de loup jusqu'à la porte du balcon
À mes pieds tout un flot de lueurs frissonnait
Et les gens dans leurs lits depuis longtemps dormaient
Mais la nuit frémissait à l'instar des prairies
Sous les coups des étoiles tirs d'artillerie
Sonnait l'horloge de la tour Je regardais
Les ombres des passants qui traversaient le quai
Ombres des suicidés dans l'ombre du destin
Ombre sur le trottoir d'une vieille putain
Ombres des autos renversées par l'ombre des piétons
Ombres des miséreux qui couchent sous les ponts
Ombre de la ruelle où le bossu se glisse
Ombre pleine des chancres rouges de la syphilis
Ombres de la conscience ombres du crime
Où viennent éternellement rôder les ombres des victimes
Ombres armées de baïonnettes
Ombres des saints qui devinrent poètes
Ombres des buveurs vaincus par l'amour
Ombres de ceux qui aiment sans retour
Ombres plaintives de météores femmes qui s'abandonnèrent
Ombres fragiles des princesses adultères

Mais on sentait peser la beauté qui nous broie
Le courage de vivre et mourir et l'effroi

Soyez belle soyez triste bonsoir
Plus étincelante que les météores dont le pouvoir
Nous fut révélé dans les lumières d'une nuit étouffante
Phares d'ombre équipés comme la tourmente
Qui nous cingle jusqu'au vertige de la joie
Au revoir les signaux au-dessus de la voie
Vous qui m'attirez comme une rose de flamme
Au revoir les étoiles baisers de mon âme
Vous qui m'ouvrez les piscines dans les jardins
L'arôme des oeillets et leur sombre parfum
Les vols dans les avions dont les ailes rayonnent
Au revoir les cruels délices d'Edison
Naphtes puits de pétrole fusées filant vers d'autres planètes
Nobles de la terre sans étiquette
Au revoir la tour d'où les étoiles tombaient
Au revoir les ombres lointaines sur le quai
Ombres du temps qui fuit irrémédiablement vers l'avenir
Douces ombres ombres des rêves et des souvenirs
Ombres du bleu du ciel dans les yeux d'une belle femme
Ombres des ombres d'étoiles dans les eaux quand plonge la rame
Ombres des sentiments qu'on ne sait pas nommer
Ombres du souffle des enfants pas encor' nés
Ombres fugitives comme la nuit l'écho
Ombres pâles sur l'opaline de la peau
Ombres des mères en prière
Ombres des spectres dans les villes étrangères
Ombres des voluptés dont la veuve est meurtrie
Ombres des spectres ombres du mal du pays

Ah soyez belle soyez cruelle bonjour
Plus belle que les météores les larmes les serments d'amour
Que nous fîmes debout sur les sommets
Capturant des nids d'étoiles et des comètes
Au revoir vous plus belle que les feux follets et le sommeil
De nouveau pour la nuit remonter le réveil
Des milliers de gens mènent leur petite vie
Ce n'est pas du travail c'est de la poésie

Encore un jour cueillir en rêve les lilas
Encore un jour s'attabler au café Slavia
Encore un jour marcher encore un jour s'asseoir
Encore un jour prendre son petit café noir
Encore un jour veiller ne plus être certain
Encore un jour brûler tout ce qui vous tombe sous la main
Encore un jour entendre les notes d'un pleur
Voir encore une fois son ombre l'ombre d'un joueur

Au revoir étoiles oiseaux serments d'amour
Au revoir mort sous l'églantine en fleurs
Au revoir sonne l'heure
Au revoir bonne nuit et bonjour
Beau rêve
Les jours sont courts


Ce sont des poèmes comme celui-ci qui justifient l'indulgence dont Zábrana et bien d'autres ont fait preuve à l'égard du poète officiel du régime de Gottwald. Qui veut se convaincre de la triste déchéance du poète peut aller voir de ce côté, où l'on trouve deux (superbes) poèmes de 1927 et une triste mirlitonade de 1950 où, comme il se doit, le nom de Klement Gottwald est révérencieusement cité (traduction française de Jean-Gaspard Páleníček).