Avant: l'image classique des trois rôles qui définissent le capitalisme, avec les entités que chaque rôle met sur le marché; je sais bien que le capitaliste est sensé apporter les capitaux mais, fondamentalement, il me semble que ce qu'il manipule, c'est le temps. La structure forte sous-jacente, c'est la structure spatiale: les flux monétaires se font d'autant plus faibles que la distance est grande; plus précisément, la structure sous-jacente est "spatiale", au sens de la politique de souveraineté des états-nations coloniaux, ce qui permet des flux importants vers et en provenance de leurs colonies, par exemple.
Pour suivre Karl Polanyi, la mise sur le marché de l'Homme (comme force de travail), de la Nature et du Temps (ici, Polanyi dirait la Monnaie) va engendrer des tensions insupportables dans les sociétés où se déploie ce marché qui permet de mettre dans la balance de l'optimisation des choses de natures différentes rapportées à leur seule valeur monétaire. Ceci pouvait d'une certaine façon être limité ou contraint dans le cadre spatial des états-nations.
Ce qui est nouveau vers la fin de XIXème, c'est la mise sur le marché du Temps (ou de la Monnaie), lui aussi rapporté à sa valeur monétaire (un taux d'intérêt). Au contraire des populations et des ressources naturelles, le temps échappe au contrôle des états-nations car il n'est pas spatialement ancré; plus encore, il est perçu de manière uniforme sur une grande partie de la planète (l'étalon-or n'est qu'une métaphore de cette uniformité; il n'est pas nécessaire en tant que tel et, d'ailleurs, rien n'a fondamentalement changé à sa disparition) .
A partir du moment où un marché du temps peut être établi, ce qui suppose de s'approcher autant que possible de l'instantanéité dans les échanges monétaires qui servent de support au processus d'optimisation, la structure spatiale qui sous-tendait jusqu'alors les marchés disparaît au profit d'une autre structure qui couple l'ensemble des individus en fonction de leur richesse et dont le fonctionnement étire à ce point la distribution des richesses que la hiérarchisation simple en trois "rôles" tenus par des populations relativement homogènes éclate pour faire jouer à tout individu les trois rôles à la fois en fonction de la position relative qu'il occupe dans l'ordre des richesse.
La transition néo-libérale, c'est ce changement complet de géométrie qui a lieu sous nos yeux depuis plus d'un siècle, avec un répit dans l'après-guerre, consécutif au rejet violent des conséquences de ce changement lors des années trente et quarante (interprétation par Polanyi de la montée des fascismes et du stalinisme), répit permis, il faut s'en souvenir, par la structure coloniale/impériale qui a pu déplacer momentanément les déchirements de l'adaptation au marché vers les pays colonisés.
C'est là que je ne peux plus suivre Polanyi: la "grande transformation" qu'il semble voir comme une aube nouvelle bridant à jamais le marché auto-régulateur dans un carcan en forme de contrat social, je la vois plutôt comme un feu de paille dont nous jouissons des dernières braises.
Pour suivre Karl Polanyi, la mise sur le marché de l'Homme (comme force de travail), de la Nature et du Temps (ici, Polanyi dirait la Monnaie) va engendrer des tensions insupportables dans les sociétés où se déploie ce marché qui permet de mettre dans la balance de l'optimisation des choses de natures différentes rapportées à leur seule valeur monétaire. Ceci pouvait d'une certaine façon être limité ou contraint dans le cadre spatial des états-nations.
Ce qui est nouveau vers la fin de XIXème, c'est la mise sur le marché du Temps (ou de la Monnaie), lui aussi rapporté à sa valeur monétaire (un taux d'intérêt). Au contraire des populations et des ressources naturelles, le temps échappe au contrôle des états-nations car il n'est pas spatialement ancré; plus encore, il est perçu de manière uniforme sur une grande partie de la planète (l'étalon-or n'est qu'une métaphore de cette uniformité; il n'est pas nécessaire en tant que tel et, d'ailleurs, rien n'a fondamentalement changé à sa disparition) .
A partir du moment où un marché du temps peut être établi, ce qui suppose de s'approcher autant que possible de l'instantanéité dans les échanges monétaires qui servent de support au processus d'optimisation, la structure spatiale qui sous-tendait jusqu'alors les marchés disparaît au profit d'une autre structure qui couple l'ensemble des individus en fonction de leur richesse et dont le fonctionnement étire à ce point la distribution des richesses que la hiérarchisation simple en trois "rôles" tenus par des populations relativement homogènes éclate pour faire jouer à tout individu les trois rôles à la fois en fonction de la position relative qu'il occupe dans l'ordre des richesse.
La transition néo-libérale, c'est ce changement complet de géométrie qui a lieu sous nos yeux depuis plus d'un siècle, avec un répit dans l'après-guerre, consécutif au rejet violent des conséquences de ce changement lors des années trente et quarante (interprétation par Polanyi de la montée des fascismes et du stalinisme), répit permis, il faut s'en souvenir, par la structure coloniale/impériale qui a pu déplacer momentanément les déchirements de l'adaptation au marché vers les pays colonisés.
C'est là que je ne peux plus suivre Polanyi: la "grande transformation" qu'il semble voir comme une aube nouvelle bridant à jamais le marché auto-régulateur dans un carcan en forme de contrat social, je la vois plutôt comme un feu de paille dont nous jouissons des dernières braises.
Evidemment, la sériation n'est pas totale; on devrait plutôt parler d'une multitude d'ordres partiels qui ne sont pas encore tous cohérents entre eux, une multitude de "fils" qui s'enchevêtrent mais dont le seul ordre sous-jacent reste celui de la richesse.
Ce qui assure la stabilité de ce système est aussi ce qui pourrait permettre de le remettre en cause; ce qui en assure la stabilité, c'est une forme de comportement mimétique qui dévie la rivalité: se comporter vis-à-vis de celui qui est placé en-dessous de nous comme se comporte vis-à-vis de nous celui qui est placé au-dessus de nous. Pour le dire trivialement, si celui qui est plus riche que moi peut avoir un yacht de 100m sans se soucier des conséquences que cela peut avoir sur les autres, pourquoi moi (si j'en ai les moyens) n'aurais-je pas un yacht de 10m etc.
Redoutable auto-cohérence du système, si on veut bien ignorer les effets de bord, ceux qui n'ont plus personne en-dessous d'eux.
C'est aussi par là qu'on peut rechercher des voies pour sortir de ce système; le vieil adage tout simple "Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît, ne l'inflige pas à autrui." (enfin, tout simple ... c'est quand même ainsi que Rabbi Hillel résuma la Torah à un centurion qui souhaitait se convertir mais qui, prudent ?, demandait un résumé de la Loi qui n'excède pas la durée pendant laquelle il pourrait se tenir sur une seule jambe ! Rabbi Hillel ajouta d'ailleurs "C'est là toute la Torah. Le reste n'est que commentaire. Maintenant, va et étudie.") pourrait utilement reprendre du service car il est à la base de la volonté individuelle de déconnexion de cette chaîne. L'éthique de réciprocité (Rabbi Hillel est en bonne compagnie !) contre la satisfaction mauvaise de pouvoir, du moins, faire subir aux autres ce que l'on subit par ailleurs, compensation à l'impuissance et à la frustration ...
D'une certaine façon, nous nous approchons à nouveau d'une croisée des chemins entre des prises de conscience individuelles suffisamment nombreuses et massives pour stopper l'effet de connexion générale ou un retour à des mouvements de rejets violents à côté desquels ceux des années trente paraîtront bien anodins car cette violence sera exacerbée par l'évidence (nouvelle) de la finitude des ressources.
Rien de bien neuf, André Gorz écrivait déjà dans les années 70 que l'alternative entre techno-fascisme et liberté passerait par l'existence ou non d'une infinité de renoncements volontaires.
Ce qui assure la stabilité de ce système est aussi ce qui pourrait permettre de le remettre en cause; ce qui en assure la stabilité, c'est une forme de comportement mimétique qui dévie la rivalité: se comporter vis-à-vis de celui qui est placé en-dessous de nous comme se comporte vis-à-vis de nous celui qui est placé au-dessus de nous. Pour le dire trivialement, si celui qui est plus riche que moi peut avoir un yacht de 100m sans se soucier des conséquences que cela peut avoir sur les autres, pourquoi moi (si j'en ai les moyens) n'aurais-je pas un yacht de 10m etc.
Ce qui est particulier dans ce mécanisme, c'est que la violence mimétique est déviée: ce n'est pas le yacht de 100m du riche qui m'opprime que je veux, c'est faire usage vis-à-vis de ceux qui sont en-dessous de moi de la même violence pour avoir mon yacht de 10m. Le mimétisme dévie la violence "vers le bas" et, de ce fait (tous coupables, tous dans le même bateau, même s'il n'est pas bien joli), légitime l'exploitation venue du haut.
Redoutable auto-cohérence du système, si on veut bien ignorer les effets de bord, ceux qui n'ont plus personne en-dessous d'eux.
C'est aussi par là qu'on peut rechercher des voies pour sortir de ce système; le vieil adage tout simple "Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît, ne l'inflige pas à autrui." (enfin, tout simple ... c'est quand même ainsi que Rabbi Hillel résuma la Torah à un centurion qui souhaitait se convertir mais qui, prudent ?, demandait un résumé de la Loi qui n'excède pas la durée pendant laquelle il pourrait se tenir sur une seule jambe ! Rabbi Hillel ajouta d'ailleurs "C'est là toute la Torah. Le reste n'est que commentaire. Maintenant, va et étudie.") pourrait utilement reprendre du service car il est à la base de la volonté individuelle de déconnexion de cette chaîne. L'éthique de réciprocité (Rabbi Hillel est en bonne compagnie !) contre la satisfaction mauvaise de pouvoir, du moins, faire subir aux autres ce que l'on subit par ailleurs, compensation à l'impuissance et à la frustration ...
D'une certaine façon, nous nous approchons à nouveau d'une croisée des chemins entre des prises de conscience individuelles suffisamment nombreuses et massives pour stopper l'effet de connexion générale ou un retour à des mouvements de rejets violents à côté desquels ceux des années trente paraîtront bien anodins car cette violence sera exacerbée par l'évidence (nouvelle) de la finitude des ressources.
Rien de bien neuf, André Gorz écrivait déjà dans les années 70 que l'alternative entre techno-fascisme et liberté passerait par l'existence ou non d'une infinité de renoncements volontaires.
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