lundi 31 août 2009

A Maïakovski -- Marina Tsvetaeva


Plus haut que les croix, les cheminées,
Baptisé de fumée et de feu,
Archange poids lourd au pas pesant,
Salut dans les siècles, Vladimir !

Il est le cocher et le pur-sang,
Il est la lubie, il est le droit.
Il soupire et crache dans ses paumes:
"A nous deux, la gloire charretière !"

Chantre des miracles de trottoir,
Bonjour, orgueilleux salopard,
Qui préfère le poids du caillou
Aux séductions du diamant.

Bonjour, tonnerre de pavés !
Il baille, il te salue, et, voilà
Qu'il rame à nouveau du brancard, de
L'aile d'un archange-charretier.

(18 septembre 1921)
(Traduit par Elsa Triolet)


La fidélité de Tsvetaeva à Maïakovski ne se démentira jamais; refusant de cracher sur son cadavre, elle se brouillera avec les cercles de l'émigration blanche à l'occasion de la mort de Maïakovski.

Plus je lis Tsetaeva, moins je souscris à une image par trop "romantique", "évanescente" que certains, sans doute enfermés dans une lecture "à l'envers" de son œuvre, lecture qui partirait de son suicide, donnent d'elle.

Il est une lettre à Pasternak, une des dernières, je crois, qui lui permet d'opposer très crûment son attitude, le courage de s'engager passionnément autant, si ce n'est plus, dans sa vie (et partant dans celle des autres) que dans son oeuvre (*) à l'attitude de Pasternak ou Rilke, biaisant avec la vie pour édifier et protéger leur œuvre.
Le mot "biaiser" est de moi, sans doute trop fort pour Pasternak; Tsvetaeva tourne cela différemment, de façon positive, comme un droit du poète à tout négliger au profit exclusif de son œuvre mais je cite ici de mémoire et peut-être tout de travers; il vaudrait mieux retrouver cette lettre (retrouvée !).


De Tsvetaeva, voir aussi Les arbres.


(*)
quitte à sembler mélanger parfois les deux, voir à ce propos l'épisode Gontcharova; à ce propos , Marc Slonim, qui avait commandé à Tsvetaeva cette étude sur Natalia Gontcharova, remarquait: "Sans doute Gontcharova avait-elle très vite compris que Marina Ivanovna créait une légende sur les personnes avec lequelles elle cherchait à lier amitié; ce n'étaient pas elles qu'elle aimait mais la figure mythique créée par elle, de toutes pièces". De son côté, Tsvetaeva constatait amèrement: "A chacune sa vie, ses habitudes, je ne suis pas entrée assez profond, je ne suis pas devenue nécessaire. Ca s'est tout de suite refermé."

Nathalie Gontcharova, sa vie, son oeuvre
Marina Tsvetaeva
traduit et présenté par Véronique Lossky
clémence hiver éditeur



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